Une femme seule acoudée à un bar ne reste jamais longtemps seule [libre]

Messages : 2 Date d'inscription : 23/07/2010

Dublin… Merveilleuse ville.

Oui, ceci était de l’ironie. Tsuki n’aimait pas Dublin. La première semaine en Irlande avait été catastrophique, avec tous les problèmes qu‘engendre un déménagement. La deuxième, elle reprenait les cours, et avait fait mauvaise impression au lycée. Peut-être son style décalé ou son air indifférent lors des présentations devant toute la classe. Et la troisième n’avait pas été mieux. Tsuki pensait continuellement à la France. Là où elle avait grandi. Ce pays qui l’avait accepté telle qu’elle était depuis son arrivé. Pourquoi avoir déménagé ? Depuis qu’ils étaient arrivés ici, ses parents n’avaient jamais été aussi peu présents pour elle.

Plus seule que jamais, Tsuki marchait dans les rues du centre-ville, sans but, du métal déferlant bruyamment dans ses oreilles. Le soleil timide était caché par de nombreux nuages, et les gens avaient une mine maussade, un air fatigué, et ressemblaient plus à des zombies qu’à des êtres humains. Sur le trottoir, un homme se balançait d‘avant en arrière en fixant les voitures, plus loin, une petite fille hurlait alors que sa mère la trainait par la manche, à côté d’elle passait deux gamins avec de l’argent dans les mains. La ville quoi. Alors que faire quand on est seule, qu’on a 17ans et qu’on se trouve en plein centre-ville, une carte bancaire prête à être utiliser dans la poche, des magasins grouillants tout autour ? La première réponse qui vous est venu à l’esprit est « faire les boutiques » je suppose. Et vous avez raison, c’est sûrement ce qu’aurait fait la plupart des ados. Mais Tsuki n’en avait ni le besoin, ni l’envie.

Alors elle marcha, tourna à droite, à gauche, prit le métro, le bus, et continua ainsi pendant deux bonnes heures. Jusqu’à se perdre définitivement dans une ville qu’elle n’aimait pas. La batterie de son Ipod l’ayant lâchement abandonné, elle avançait en écoutant le doux son de la ville. Les voitures, les bus, les deux roues, les klaxons, les gens qui se disputent, les rires, les pleurs, et tous les sons qu’on entend quand on va dans une ville quoi…

L’horloge externe de la pharmacie lui indiquait 17h en ce gris samedi. Étant sorti de chez elle à 13h, et le temps de retrouver son chemin, elle ne serait pas rentré avant au moins 21h. Autant dire qu’elle était dans le pétrin, puisqu’elle dinait en famille tous les soirs à 20h. Pas plus paniquée que cela, Tsuki entra dans une boulangerie, acheta une tresse au pépites de chocolat, puis alla s’assoir sur un banc pour le manger, se demandant comment elle allait faire pour rentrer puisqu’elle ne connaissait pas du tout ce coin de Dublin. Elle ne pouvait pas demander de l’aide à ses parents puisque ceux-ci allaient sûrement la punir pour s’être aventurer si loin seule. Elle ne pouvait pas non plus appeler un ami puisqu’elle n’en avait pas ici. Et elle refusait de demander à un passant son chemin.

Du coup, elle se leva, jeta le sachet de la boulangerie dans une poubelle en soupirant, puis elle essaya de retrouver les rues qu’elle avait traversé pour se retrouver devant cette boulangerie. Elle aurait fait attention deux secondes à un ou deux petits détails, ça n’aurait pas encore été trop dur, mais non, la demoiselle avait marché en pensant à tout, sauf à l’idée qu’elle pourrait peut-être se perdre. C’est donc ainsi dépité qu’elle marcha dans la rue, tourna plusieurs fois à droite ou à gauche, avant d’entrer dans un pub, pour aller s’accouder au bar, et commander un café noir et bien corsé. Mine de rien, marcher, ça donne soif et ça fatigue. Rien de tel qu’un bon café bu tranquillement pour se remettre en route. Tranquillement ? C’est du moins ce qu’elle espérait.

Ades ne bougeait pas depuis bientôt une demi-heure, signe qu'il avait besoin de beaucoup de temps pour réfléchir. Ce qui ne pouvait vouloir dire qu'une chose : il était en train de songer à une situation soit très complexe, soit très étendue. En effet, habituellement le jeune homme n'avait besoin que d'une seconde pour prendre des décisions qu'un homme normal aurait pris en plusieurs minutes. Cependant, cette réflexion ci lui demandait un peu plus de temps, en effet, il était obligé de prendre en compte les rouages d'une organisation qu'il ne connaissait pas vraiment ainsi que les potentiels amis ou ennemis de son père adoptif qu'on ne lui aurait pas encore présenté. C'était donc quelque chose d'assez énervant puisqu'il ne savait pas s'il devait s'inquiéter ou non d'être recherché. Parce qu'évidemment, la nouvelle de la mort de son paternel et de ses anciens coéquipiers allait se répandre assez vite parmi les gens qui les aidait autrefois, et encore plus vite parmi ceux qui ne les aimaient pas. Il faudrait donc se méfier si des gens apprenaient l'existence d'Ades et de la possibilité qu'il connaisse la planque de son père. Ce qui était bien sûr faux, d'ailleurs le jeune homme était persuadé qu'il n'y avait jamais eu de planque et que l'argent conservé dans la maison "Au cas où" était belle et bien tout ce qu'avait l'homme qui l'avait adopté. Il n'empêchait que les risques existaient, Ades se repassait ses dernières actions en tête pour savoir ce qui pourrait bien le trahir. L'homme qui lui avait vendu l'appartement était honnête, il avait facilement accepté le pot de vin mais c'était à cause de la jeunesse de son interlocuteur, il avait même donné un matelas pour meubler un peu. C'était d'ailleurs sur ce matelas qu'Ades était assis maintenant. Il ne restait donc que le vieux pote de son père qui lui avait filé le billet pour Dublin, avec ça personne ne saurait où chercher précisément. Il avait donc de la marge mais devait tout de même se méfier.

Finalement, cette longue réflexion ne lui avait rien apporté de plus qu'une perte de temps. Ades se releva donc en même temps qu'il levait les yeux au ciel devant sa propre bêtise. Il avait maintenant un peu soif. Il aurait très bien pu se servir un verre d'eau puisqu'il avait acheter tout le nécessaire à sa survie ce matin, dépensant ainsi une part non négligeable du butin qu'il avait amené d'Algérie. Dans quelques mois à ce rythme, il n'y aurait plus rien. Mais au lieu de cela, il décida de descendre un peu dans le quartier, histoire de repérer les lieux ce qui pourrait toujours être utile plus tard. Fermant soigneusement tout à clef et n'emportant qu'un petit couteau dissimulé dans une doublure de sa veste sombre, il descendit les escaliers lentement. En chemin, il fut légèrement ralentit par une grand mère qui habitait au troisième étage et qui avait un peu de mal à porter ses paquets, le jeune homme se proposa donc de l'aider, ceci afin que les gens ne se méfie pas trop de lui. Malgré tout, il put faire quelques pas dans la rue et se balada un peu partout en mémorisant les numéros et les noms. Cherchant surtout les lieux et bâtiments qui pourraient lui être utiles. Il entra donc finalement dans un pub du coin. Il se dirigea vers le bar et vérifia avec attention la liste des boissons disponibles. Ades savait son argent limité et était doté d'un esprit économe, c'est donc tout naturellement qu'il commanda ce qu'il y avait de moins cher quand le tenant du bar se tourna vers lui.

- Un verre d'eau.

- Hein ?

Le barman avait parfaitement entendu et cela se voyait, le jeune homme ne se donna donc pas la peine de répéter, cherchant déjà son porte-monnaie.

- Écoute petit, on rentre pas dans mon bar pour commander un verre d'eau.

Ades releva les yeux, ne montrant pas de signe de surprise bien qu'il en ressente un minimum. Il trouva cependant très vite la réponse adapté et elle fusa sur un ton des plus indifférents.

- Bah j'en prendrais deux alors ...

Le tenant du bar s'apprêtait à dire quelque chose mais le regard froid jeté par les deux yeux vairons le convainquit de ne pas faire attention et de préparer les deux verres d'eau avant de passer à autre chose. Alors qu'il posait les verres sur le bar, Ades était en train de poser une à une les pièces nécessaire à payer sa commande. Il avait encore un peu de mal avec les euros, surtout que certaine pièce était bizarre comme celle de cinquante centime qui était plus grosse que celle de un euro alors qu'elle valait moins. Il finit cependant par donner le prix exact des deux verres. Cependant le temps qu'il avait pris et sa manière de le faire avait alerté un homme un peu plus loin qui semblait avoir déjà but quelques verres d'alcool, ce qui lui fit trouver très drôle la remarque qu'il fit à ce moment.

- Eh ben mon vieux, on est tombé sur l'idiot du village. Comme quoi l'eau, ça préserve pas plus que l'alcool.

A nouveau, un regard jeté, complètement indifférent et très court puisqu'Ades ne s'attarda pas sur lui, balayant rapidement la salle pour voir qui était présent. Il n'y avait que quelques personnes, dont peu de jeune et une seule jeune femme, élément atypique dans ce décor assez masculin, les yeux vairons s'attardèrent donc sur elle une seconde plus que pour les autres avant de regarder le verre.