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| Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. | |
| | Auteur | Message |
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Lee Tarée de Chicago
Messages : 29 Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Ven 30 Sep - 22:26 | |
| - Pardon ? Aussi étonnant que cela pût paraître, ce fut par ce mot que débuta la formidable épopée de nos deux surdoués dans le légendaire pays de Faerie. Nos deux fameux personnages faisaient à cet instant-même face à leur premier obstacle, et l'odyssée s'annonçait déjà longue : ils étaient, faire rare ... déroutés. Il fallait reconnaître à leur décharge que le cas qu'ils devaient affronter se révélait coriace. Etait-elle seulement humaine, cette créature de cauchemar ? Etaient-ils de poisson ou de verre, ces yeux vides ? Etaient-elles taillées pour tuer, ces griffes acérées d'un rose épileptique, qui frappaient le bois à un rythme infernal ? Etait-elle faite de plastique ou maintenue par une force obscure, cette effrayante tignasse de feu ? En tout cas, elle n'était pas bien maligne. En fait, elle avait l'air si peu maligne que Lee se sentit automatiquement obligée de répéter ce pourquoi elle lui avait demandé pardon, pour être sûre qu'elle ne l'avait pas oublié depuis. - Comment ça, un seul lit ? La réceptionniste lui adressa un sourire qui prêtait sérieusement au doute : la théorie de l'évolution n'était-elle pas après tout qu'une théorie ? L'américaine hésita entre l'affliction, la pitié et la colère. Si elle n'avait pas hésité, le vase posé sur le comptoir aurait fini en miettes sur la tête rousse. Mais depuis l'incident avec Constantin, la jeune fille avait fermement décidé de juguler ses pulsions, et de réfléchir à trois fois avant d'agir. Certes, cette bonne résolution avait peu de chances de durer, mais c'était déjà ça. - Eh bien oui. Vous aviez demandé une chambre pour deux, donc, voici votre commande. Une chambre avec lit double. Rappelons donc : cette bonne résolution avait peu de chances de durer. - Eh bien non. Nous avions demandé une chambre pour deux, ce qui sous-entendait ... une chambre pour deux. Donc, une chambre avec deux lits. La réceptionniste aurait dû remarquer la légère crispation des doigts de Lee sur le comptoir. La crispation de sa mâchoire, aussi. Mais elle continua à sourire, un sourire mielleux qui ne fit que décupler le potentiel destructeur de son interlocutrice. - Madame ... - Mademoiselle ... - Mademoiselle, nous sommes désolés pour cette imprévu. Mais si vous voyagez ensemble, Monsieur et vous, c'est que vous êtes assez proches pour vous arranger ? - Pardon ?
Lee commençait à se trouver abonnée aux "pardons". Elle s'était tant accoutumée à la vivacité d'esprit de son singulier compagnon de voyage, durant le trajet jusqu'à cet hôtel, qu'elle avait presque oublié l'existence d'esprits inférieurs. Damnation. Et en plus, la réceptionniste commençait à avoir l'air agacé. Quoi, ils lui spoilaient sa pause café ? Pauvre femme ! L'américaine eut la magistrale idée de faire en sorte qu'elle ne quitte même pas ce comptoir vivante. Bon sang, est-ce qu'on lui aurait fait un coup pareil à l'Imperial de New-York ? Non, les employés de l'Imperial la connaissaient assez pour la craindre. - Hem ... écoutez, il va y avoir un problème. Nous ne pouvons pas nous contenter d'un seul lit. C'est physiquement impossible. - Oh, mais c'est un lit très grand. Une literie superbe, vous m'en direz des nouvelles.
La wunderkind émit un "krrrk" de mauvais augure, ses poings se serrèrent convulsivement ; elle se retint d'en mordre un. Remarque, si elle ne le faisait pas, elle risquait de mordre la réceptionniste. Quand elle reprit, son accent américain s'était fait agressif ; or un accent américain agressif n'était jamais non plus un bon présage.
- Non mais, on s'en moque. Il peut mesurer la taille de votre hôtel que ça ne changera rien. Les gens se déplacent sur le matelas dans leur sommeil, d'une, et nous ne sommes pas venus ici pour partager une couverture, de deux. - Nous sommes désol ... - J'avais compris.
Elle soupira.
- Bon. Je peux toujours dormir sur la moquette. - C'est-à-dire que c'est du parquet, Mademoiselle. Du bois précieux, même, très rare. - ... vous déclarez vous opposer à la déforestation, et vous faites poser du parquet 'en bois précieux, très rare' ? - Nous nous opposons à la déforestation ? - Qu ... c'est écrit sur votre comptoir. Juste là. La rousse s'étala en travers du comptoir et se pencha à l'extrême pour voir, du côté visiteur, l'affichette verte.
- Ah mais oui. On en apprend, des choses ! - Et maintenant, aurons-nous un deuxième lit ? - Ah mais non. Désolée, une chambre double est une chambre double, la direction est claire là-dessus. - Bon. Alors pouvons-nous changer notre réservation ? - Ca vous coûtera trente pour cent du prix de la chambre que vous avez réservée précedemment. - Très bien ! Aucun problème. - Et nous sommes complets. - Je vais commettre un meurtre. - Pardon ? - Rien, rien. Constantin ?
Lee se dépêcha de se détourner. Penser à quelque chose de calme. Des dauphins sautant hors de l'eau, sur fond de soleil couchant ... l'image dériva bien vite vers le steack de dauphin. Heureusement qu'elle était accompagnée.
- S'il vous plaît, dîtes-lui quelque chose ... n'importe quoi. Je vais ... (elle respira profondément) ... me reposer, le trajet m'a épuisée. Faux. Elle était rarement fatiguée après un voyage en avion ; après une réceptionniste récalcitrante, par contre, c'était une autre affaire. L'aventure allait être mouvementée.
Dernière édition par Lee le Sam 15 Oct - 17:25, édité 1 fois | |
| | | Constantin Ducomte
Messages : 18 Date d'inscription : 02/09/2010
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Sam 15 Oct - 16:06 | |
| Jusqu’à ce que Lee l’interpelle personnellement, le jeune français n’avait pas bougé. Campé tranquillement sur sa canne, quelques pas seulement derrière l’américaine, il inspectait les lieux de son regard vairons, feignant de se désintéresser totalement de la conversation. Il devinait qu’un touriste lambda, ou cette réceptionniste, se laisserait abuser par les apparences. Mais Lee était trop intelligente pour ne pas se rendre compte qu’il était, au contraire, extrêmement attentif à ce qu’il se passait autour de lui. Aussi ne craignait-il pas qu’elle soit vexée par cette attitude.
Et pour cause : comment le français aurait-il pu être inattentif à une telle nouvelle ? Un seul lit ? Pour deux ? Il y avait de quoi le faire frémir. Depuis le moment de cette annonce fracassante, son cerveau s’évertuait à imaginer les milles et unes conséquences imaginables d’une nuit passée avec Lee. La plupart, cela se terminait dans un bain de sang ou dans un coma prolongé. Et il était fort regrettable de constater que c’était à près de 99% lui qui subissait. Même si ce n’était pas étonnant : après tout, c’était lui qui était un phobique des contacts. Il ignorait ce qui se passerait si cela se déroulait durant son sommeil mais il n’avait pas très envie de tester. Constantin n’aimait pas être un cobaye.
Toutefois, il lui fallait admettre la triste vérité : comme l’avait expliqué la réceptionniste, il était totalement impossible de changer cela. Toutes les chambres étaient prises. Dès lors, il avait cherché une solution alternative : changer d’hôtel par exemple. Mais c’était idiot, ils se trouvaient dans le bâtiment le plus proche de ce sur quoi ils voulaient inquiéter. Se rajouter des handicaps et du chemin à parcourir ne ferait que leur compliquer une tâche qui s’avérerait sans doute très loin d’être facile. Il serait donc obligé de dormir dans cette chambre-là. Ce qui ne déboucherait pas nécessairement sur un bain de sang : après tout, il y avait des fauteuils. Il proposerait sans doute cette solution à Lee dès qu’ils seraient seuls.
Pour toutes ces raisons, lorsque le jeune homme s’avança après un bref soupir, il s’efforça de montrer un sourire froid à l’hôtesse, signe qu’elle ne serait pas mangée aujourd’hui.
- Eh bien, il semble donc que nous allons être forcés de nous contenter de cette chambre. - Je suis certaine qu’elle vous plaira beaucoup monsieur, gloussa la jeune femme.
Constantin réprima une grimace quand elle se pencha vers lui pour déposer les deux clés électronique dans ses mains tendues. Sans doute aurait-elle eut le même geste avec un enfant. Par chance pour elle, la présence de la canne et du costume sombre l’avait empêché de prononcer les mots « Mon petit » qui lui auraient sans doute été fatals.
- Toutefois, je tiens beaucoup à ce que vous signaliez à votre employeur que si nous devions réserver à nouveau une chambre ici, ce qui, je le crains, risque fort peu d’arriver, nous soyons informés de manière correcte de tous les services qu’offrent la chambre. Ainsi que de ceux qu’elle n’offre pas, comme la présence d’un autre lit.
Pendant un moment beaucoup trop long aux yeux de Constantin, la jeune femme se contenta de le fixer intensément de ses grands yeux étonnés. A tel point que le français finit par se demander s’il n’avait pas employer un vocabulaire trop soutenu pour être compris. Par chance, elle finit par se ressaisir et par reprendre un sourire qui aurait presque pu passer pour être naturel.
- Bien sûr monsieur, ce sera fait.
Au moins, on lui avait appris comment réagir face à des richissimes clients un peu caractériels. C’était toujours ça de pris.
- J’en doute.
Il ne fit aucun effort pour camoufler le mépris dans sa voix et se détourna avec toute la classe dont était capable un jeune noble français, qui plus est Ducomte, ce qui signifie beaucoup. Il attendit un temps très précis : trois claquements de canne sur le sol, avant de s’immobiliser et de tourner un peu la tête vers la réceptionniste.
- Une dernière chose. - Oui, monsieur ? - La prochaine fois que l’on vous parlera des bois précieux ET de la déforestation. Tâchez de glisser que c’est une décision qui fut prise par une ancienne direction. Cela évitera que cela paraisse … stupide.
Elle parut réfléchir l’espace d’une seconde au conseil qu’il venait de lui donner. Mais il comprit qu’elle hésitait en fait sur la manière dont elle devait réagir. Une attitude pardonnable, sans doute l’hôtel n’avait-il pas l’habitude de recevoir des gens comme Constantin et Lee. Ce qui, à tout bien réfléchir, était on ne peut mieux pour eux.
L’ascenseur était assez grand et, par chance, vide, il n’avança donc pas jusqu’au fond et attendit que Lee ait pris place à ses côtés pour appuyer sur le bouton du quatrième étage. Il compta mentalement le temps que les portes se referment et que trois secondes de musique d’ascenseur, un massacre plutôt, soit passée, avant d’annoncer d’une voix douce.
- Je sais que cela ne plaît à aucun de nous mais cet endroit est ce que nous avons de mieux pour commencer nos recherches. Il doit y avoir des fauteuils dans cette chambre, je dormirais sur l’un d’eux. Vous pouvez prendre le lit.
Puis, il jugea utile de détendre l’atmosphère et il prit un petit sourire sur ses lèvres.
- J’ose espérer que personne ne nous aura reconnu et ne saura dans quel chambre nous logeons. Les gens se font des idées si facilement.
Le « Ping » de l’ascenseur qui arrive conclut sa dernière phrase. En même temps que les portes de fer s’ouvraient de nouveau. | |
| | | Lee Tarée de Chicago
Messages : 29 Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Dim 23 Oct - 21:00 | |
| - Les connaissances qui nous verront croiront ce qu'elles veulent ! Dieu sait que si nous avions voulu cacher quelque chose, nous ne nous serions pas donnés tant de mal. Mais merci de vous être occupé de cette . . . femme. Je crois que je ne me serais pas retenue, et les commissariats d'ici ne doivent pas être plus agréables qu'outre-atlantique. Outre cette gratitude de cisconstance, notre jeune amie se garda bien de répondre à la proposition de Constantin. Lee sortit en premier de l'ascenseur, et se passa distraitement une main dans les cheveux ; signe de nervosité dont elle se serait bien passée, mais qu'elle ne sut contrôler. Bah, elle n'était plus à une bavure près ; et elle était trop vidée par son dernier coup de chaud pour réagir encore à quoi que ce soit. Ce soir, elle allait se reposer. Qu'on ne l'appelle pas pour une énième tragédie boursière à Wall Street, elle n'en avait plus la force pour aujourd'hui. Et surtout, les dernières répliques de Const' lui donnaient l'impression qu'elle n'avait pas fini de se battre. Le laisser dormir dans un fauteuil. Quel humour. Et puis quoi encore ? Lui proposer une carpette, tant qu'on y était ? Ah, ces nobles. Toujours à se compliquer la vie. Leur tendance irrésistible aux bonnes manières frôlait le ridicule. Ils allaient jusqu'à fermer les yeux sur la réalité des choses ; et dans ce cas-ci, la vérité était bien simple. Si Constantin prenait le fauteuil, il passerait une très mauvaise nuit. S'ensuivait un raisonnement relevant du sens logique le plus élémentaire : si Constantin passait une très mauvaise nuit, il serait bien parti pour une mauvaise journée. S'il se montrait grincheux dès leur premier jour d'expédition, Lee, déjà sur les nerfs, ne le supporterait pas longtemps (rappelons tout de même que c'était censé être lui, le plus patient du duo). Et s'ils débutaient leur aventure en froid, nul doute que tout cela risquait de mal se terminer. D'où il ressortait que ce problème de lit était bien plus handicapant qu'il n'en avait l'air. Pour l'américaine, la question du partage ne se posait même pas : pour sa part, il lui était déja arrivé - plus d'une fois - de tomber endormie sur le plancher de son salon et d'y faire somme toute une très bonne sieste. Elle partait du principe que quand on avait sommeil, n'importe quel support pouvait faire l'affaire. Mais il n'en allait pas de même pour le français. Lee imaginait mal son compagnon de voyage tentant de trouver une bonne posture dans un si petit espace, pendant qu'elle devrait se noyer dans un lit double. Encore que, peut-être qu'elle exagérait. Sans doute la situation n'était-elle pas si dramatique que ça. A peine fût-elle entrée dans la chambre que Lee émit un soupir blasé. Evidemment, elle n'exagérait jamais. Le lit était immense. Pire, il avait l'air diaboliquement confortable. Blanc comme un nuage, avec, à sa tête, une batterie d'oreillers qui semblaient n'attendre que sa tête. Le rêve de tout voyageur venant de se coltiner onze heures d'avion et un duel avec une réceptionniste en plastique. Enfer et damnation ! Lee jeta un oeil aux alentours ; à part ce point sensible, la chambre était parfaite. Une grande salle de bain, un salon attenant, et les fameux fauteuils. A vrai dire, ils n'avaient pas l'air mauvais non plus. L'un des deux, tendu de velours gris taupe, lui tapa d'ailleurs dans l'oeil. Parfait ! Elle y dormirait la prochaine semaine. - Bon, eh bien nous y voilà ! fit-elle d'un ton de nouveau enjoué, en jetant sa valise un peu plus loin. Elle ouvrit ensuite le sac troué qu'elle portait en bandoulière ; Dakotta en sortit, et fila sous la commode avec une rapidité fulgurante. La direction de l'hôtel n'avait pas été prévenue de sa présence, mais Lee se doutait bien qu'une mygale albinos géante, vénéneuse et à pinces d'acier ne serait pas forcément la bienvenue ; supplément ou pas. Aussi avait-elle agi comme à son habitude : elle avait fait passer l'adorable créature en catimini. Quant à l'aéroport, aucun problème de ce côté non plus. Elle y avait ses connaissances. Il n'était pas dit qu'un jour, Lee Underfall irait à l'étranger sans son animal de compagnie. Après tout, ce n'était pas plus terrible qu'un poisson rouge. La jeune fille se dirigea droit vers le petit salon, tout en vérifiant son téléphone. Quarante-sept messages et appels manqués, formidable ! Elle avait de quoi batailler une bonne partie de la nuit . . . naturellement, ses bonnes résolutions de repos passèrent aussitôt à la trappe. C'était de sa faute si on avait tant besoin d'elle, après tout. Raison de plus pour prendre le fauteuil : elle aurait besoin de se lever souvent. - Au fait, je suis formellement opposée à votre idée, Constantin. J'ai encore pas mal de choses à faire, nul doute que je ne dormirai pas avant un bout de temps. Et il faut que je prépare la journée du lendemain. Vous prendrez le lit. Comme pour appuyer ses dires, elle s'installa d'autorité dans le fauteuil couleur taupe, et désigna le lit d'un mouvement ample du bras, telle une hôtesse de l'air accompagnant des voyageurs d'affaires dans leur jet de luxe. Avec le sourire qui allait avec. - Je vous souhaite une bonne nuit ! M'est avis que la cruche du rez-de-chaussée n'a au moins pas menti sur la literie. | |
| | | Constantin Ducomte
Messages : 18 Date d'inscription : 02/09/2010
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Lun 14 Nov - 21:01 | |
| Dès qu’ils étaient sortis de l’ascenseur. Le français avait compris que cette histoire de lit leur poserait plus de problèmes qu’il ne l’avait prévu. Lee avait passé la main dans ses cheveux, un geste de nervosité qu’il ne pouvait pas ignorer. C’était sans doute sa dernière phrase qui l’avait provoqué. L’américaine avait des principes, il le savait bien, et il ne doutait pas que ces derniers l’encourageraient à laisser à un handicapé l’usage du lit. Cependant, il n’était pas handicapé. Sa canne était une aide mais sans plus, dormir dans un fauteuil ne lui poserait pas problème. Dans de telles circonstances, il se devait donc de laisser la priorité aux femmes mais il sentait bien qu’elle ne se laisserait pas faire. Enfin, comme elle n’abordait pas le sujet, il préféra ne pas insister, s’attendant tout de même à ce qu’il ressurgisse à tout moment.
L’installation dans la chambre ne prit qu’un minimum de temps, tous deux étaient des habitués des hôtels et, à ce compte, remplir rapidement les armoires. Constantin brancha un ordinateur portable sur le courant et la prise internet gracieusement fournie par l’établissement, s’il y avait quelque chose que leurs cerveaux ignoraient encore, cet outil compenserait facilement. En voyant une forme blanche et diffuse glisser rapidement d’un bagage de Lee à sous un meuble, il eut un sourire. Evidemment, la mygale était venue avec eux. Cela ne lui posait aucun souci. Il se contenta d’aller augmenter le thermostat, il ne connaissait pas le métabolisme exact de cet animal, qui n’était clairement pas normal, mais il savait que la chaleur allait mieux à ces créatures.
A peine avait-il terminé que ce qu’il craignait arriva. Le sujet du lit revient sur le tapis. Lee ne pouvait décemment pas accepter l’idée sans rechigner un peu. Se tournant vers elle avec un sourire poli, il l’écouta avec attention, la regardant s’installer dans son fauteuil dans le même temps. Comme lui, elle aurait pris celui qui paraissait le plus confortable, le gris. Il ne pouvait toutefois pas accepté.
- Nous devons tous les deux nous reposer, Lee. Je suggère que nous ne travaillions pas afin d'être parfaitement opérationnel demain matin. Aussi, la politesse exige que je prenne le fauteuil et vous laisse le lit. Je suis certain qu'il sera à votre convenance et ne vous en faites, pas je saurais m'accommoder du fauteuil.
En un sens, il ne mentait pas. Lui aussi avait du travail, mais compte tenu de l’importance de ce qui se jouait ici, il préférait le laisser de côté pour le moment, laissant son compte en banque aux soins de ses conseillers. Une très mauvaise idée, il en était conscient, aussi leur avait-il ordonné de ne prendre aucune décision d’importance avant son retour.
- Je vous en prie ! Je n'ai pas sommeil de toute façon. Et je suis certaine d'être opérationnelle quoi qu'il arrive demain, donc, le fauteuil est pour moi. C'est vous qui m'avez l'air le plus fatigué.
Il dissimula un nouveau soupir, confusément, le jeune homme sentait qu’ils étaient partis pour une très longue discussion. Il s’efforça toutefois de rester aussi calme que possible. Il était inutile de l’énerver, d’autant qu’elle aurait probablement le dessus à ce niveau-là.
- Je ne suis pas fatigué le moins du monde. Et même dans ce cas, la politesse a des règles, je n'ai pas besoin d'un lit, vraiment. - Vous et votre politesse ... puisque je vous dis que je ne dormirai pas avant quelques heures. Je vous remercie, c'est très galant de votre part, mais je préfère le fauteuil.
Il ne grinça pas des dents, malgré la forte envie qui lui prit. Même si elle venait de cracher ouvertement sur l’une des valeurs les plus fondamentales qui soit, l’une de celles qu’on lui avait apprise depuis qu’il savait boiter. Il devait rester calme, c’était le secret d’une discussion réussie. Elle semblait le savoir elle-aussi, voilà qui promettait.
- Le fauteuil sera à coup sûr peu confortable, même pour travailler. Vraiment, je me dois de décliner même si c'est très gentil de votre part. - Et moi, je décline votre proposition. Vous prenez ce lit et je prendrai ce fauteuil, point.
Même si elle n’avait pas élevé la voix, sa dernière phrase avait valeur d’ordre. Ce n’était pas très agréable aux oreilles du jeune homme.
- Je ne vois pas de raison d'obéir à un ordre. Vous prendrez le lit et moi le fauteuil. - Pourquoi MOI, je devrais obéir ? Le fauteuil est à moi. Allez-vous coucher, vous tomber de sommeil.
Il avait commis une erreur fatale : réutiliser précisément le genre de répliques qu’il n’aimait pas se voir adresser. Il se devait de redresser la barre et ce, même si cela devait passer par une accentuation de certains mots, elle se le permettait bien, elle.
- Je ne tombe PAS de sommeil. Ce fauteuil n'est à personne. - Ne m'obligez pas à m'énerver encore. Si vous croyez que vous êtes le plus têtu, vous vous trompez lourdement. Maintenant prenez le lit ou je dors sur le plancher.
Oh, il savait bien qu’il était loin d’être le plus têtu des deux. Du moins en règle général, mais il y avait des règles sur lesquelles on ne pouvait décemment pas faire l’impasse, sauf cas exceptionnel. La politesse était l’une de ces règles et ce cas n’était pas exceptionnel.
- SI nous cherchons à déterminer qui sera le plus têtu, j'ai peur que cela ne dure trop longtemps et que nous ne dormions pas du tout. Vous ne dormirez pas sur le plancher. - Mais vous ne dormirez pas dans le fauteuil. - Et vous non plus, c'est hors de question. - Très bien. Prenez le fauteuil. Je dors sur le sol.
Cette fois, il ne dissimula pas un soupir. La discussion ne menait à rien, ils étaient partis du fait qu’elle prenne le fauteuil et lui, le lit, et voilà qu’ils aboutissaient à une situation bien pire encore. Il fallait redresser la chose, rapidement.
- C'est stupide, à ce compte-là, autant que nous prenions tous deux le lit. - ... c'est étonnant que l'idée vienne de vous.
Il haussa un sourcil, au moins n’était-elle pas totalement opposée à l’idée. Mais le fait qu’elle trouve étonnant qu’il propose prouvait qu’elle savait très bien pour son problème de contact. Il lui faudrait faire très attention à sa manière d’agir dans les prochains jours, il n’était pas nécessaire qu’elle en apprenne plus sur lui.
- ... Pourquoi donc ? Vous vouliez le proposer avant ? - Je pensais que vous refuseriez de suite.
Il détourna un instant le regard, maintenant qu’ils avaient trouvé un compromis acceptable, il ne pouvait plus se permettre de reculer. Le regard vairon revient à elle, plus confiant.
- ... si cela peut éviter que vous preniez un fauteuil. - Vous êtes impossible. Bon ... prenons le lit, alors.
Lui ? Impossible ? C’était l’hôpital qui se foutait de l’infirmerie.
Le temps passa rapidement, il était très tard, le temps qu’ils passent tous deux quelques coups de fils et il était déjà temps de dormir. Les journées qui allaient suivre seraient sans doute épuisantes mais extrêmement gratifiantes, il en était sûr. Tout ce qu’il avait à faire, c’était survivre aux nuits. Il attendit patiemment que l’américaine choisisse un côté et il se glissa de l’autre, aussi près du bord que possible. Hors de question de bouger durant son sommeil. Il dissimula un soupir, fermant peu à peu les yeux.
- Bonne nuit, Lee. | |
| | | Lee Tarée de Chicago
Messages : 29 Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Lun 14 Nov - 23:14 | |
| Etonnamment, Lee sombra très vite. Elle se souvint du corps chaud de Dakotta, roulée en boule sur ses genoux, puis elle s'enfonça dans ses oreillers en rendant au français son "Bonne nuit" ; et ce fut tout. * * * - Mort depuis combien de temps ? - Une ou deux heures. Le sang n'est pas encore sec. - En même temps, vu tout c'qui a giclé ... - Ta gueule, Riley. C'est pas le moment. Lee prit un peu d'hémoglobine sur le bitume, et frotta l'échantillon entre son pouce et son index, pensive. La lumière jaunâtre des réverbères donnait à la scène un aspect d'autant plus glauque. Un coup d'oeil d'ensemble lui suffit pour repérer quatre impacts de balle sur le torse. Elle se pencha de plus près pour examiner l'angle des blessures ; vraisemblablement, on l'avait descendu d'un point plus bas. D'une voiture, sans doute. Ils l'avaient bien arrangé. L'américaine fronça le nez : ça puait le métal. Riley ramassa un objet que le macchabée avait laissé près de lui. Lee reconnut une chaîne, au bout de laquelle brillait un pendentif cruciforme rouge. Elle ne sut trop dire si le rouge était sa couleur naturelle, ou s'il provenait du sang dont il avait été recouvert. - Lee-Lee, on devrait p'têt s'arracher. Les flics arrivent. Effectivement, le son des sirènes se faisait vaguement entendre, deux patés plus loin. Ils n'avaient pas le temps de s'appitoyer sur un cadavre qui n'était même pas de leur fratrie. Pour eux, cela signifiait une seule chose : quelqu'un d'autre dealait sur leur territoire. Et le fait que ce quelqu'un se soit fait massacrer n'était pas bon signe du tout. Cela voulait dire qu'il y avait un contrôle derrière ce mouton. Un gros morceau convoitait leur quartier. Lee soupira, et rajusta par réflexe le foulard qui couvrait son crâne nu. - Princesse ? Faut courir, là. - J'arrive. Dépêchez. Ils avaient perdu du temps. Déjà, les voitures se rapprochaient ; ils pouvaient presque voir les reflet bleus des girophares qui venaient se mélanger à la lueur brumeuse des lampadaires, ajouter à la lourdeur de l'atmosphère. Vrai, il fallait courir. Courir ne posait pas de problème au groupe. C'était une habitude. Ils couraient quand ils sortaient des magazins, ils couraient quand ils sortaient de chez eux, ils couraient quand ils rentraient chez eux. En fait, leur vie entière était une course permanente. Un arriviste se serait exclamé "Mais c'est excitant !", sauf que dans le milieu, c'était juste une question de vie ou de mort. Aussi s'éloignèrent-ils bien vite des lieux du drame. Bientôt, ils sautaient par-dessus la grille d'un parc. L'endroit était tellement en friche que même si les policiers avaient l'idée saugrenue de les traquer jusqu'ici, les herbes seraient bien assez hautes pour les dissimuler. Le trio s'effondra de concert sur ce qui avait jadis mérité le nom de pelouse, et reprit doucement sa respiration. La nuit était rendue brune par la pollution lumineuse ; il était encore moins question d'étoiles. Pourtant, le parc restait plongé dans les ténèbres. Ils restèrent ainsi un long moment, silencieux, puis la terre fraîche s'enfonça sous eux ... et Lee tomba. Quand elle se releva, sa chute ne lui avait occasionné aucune douleur. Sa conscience lui rappela que c'était normal. Riley et Huey avaient disparu, elle était seule. La pièce où elle se trouvait était minuscule et ne contenait rien, à l'exception d'une autre personne ... enfin, ce qu'il en restait. Elle reconnut le cadavre qu'ils avaient quitté tout à l'heure, lavé, soigneusement disposé les bras croisés, comme dans l'attente de son cercueil. Son regard ne s'attardait pas longtemps dessus, elle en avait déjà fait le tour. Par instinct, elle fixa le plafond : il n'y avait ni trou ni trappe par où elle aurait pu atterrir. Les murs n'étaient percés d'aucune porte, ni fenêtre. La jeune fille baissa alors les yeux vers les dalles de pierre qui couvraient le sol. Rien de bien excitant non plus. Elle les suivit jusqu'au corps, et fronça les sourcils. Cet endroit lui rappelait quelque chose ... oui, définitivement, c'était ... Elle n'eut pas le temps d'achever son raisonnement que les dalles se dérobèrent sous ses pieds. Quand Lee fut précipitée dans un champ infini de barbe-à-papa planté de sucres d'orge, sa conscience ne jugea pas utile d'intervenir. Pourtant, elle trouva cela parfaitement normal que des poneys à crinière lilas galopent à quelques mètres de là, chevauchés par des papillons géants. Elle rit même de bon coeur quand elle assista en direct à la préparation d'une tablette de chocolat par des ours et des marmottes. Autant dire que la vue d'une peluche géante ne la troubla pas plus, et même à l'inverse, l'attira comme un aimant ; elle ne savait trop de quelle créature il s'agissait, tout ce que son subconscient lui soufflait, c'était qu'elle était trèèèès mignonne. Ce fut donc avec un ravissement sans bornes que Lee parcourut au vol quatre prairies d'herbe parfum cola, et enserra le jouet tant convoité. De toutes ses forces. Dieu, qu'il était doux, ce rêve ... * * * ... ce lit. Qu'il était doux, ce lit. La réceptionniste avait eu raison : la literie était à se rouler par terre dans cet hôtel. Ce fut la première pensée consciente de la jeune surdouée quand elle émergea tant bien que mal de son délire psychédélique. A son souvenir, elle avait très bien dormi ; d'ailleurs, elle s'étonna de ne se rappeler aucune image morbide. Sans doute son cerveau avait-il enfin daigné se reposer pour de bon. Tout ce dont elle se souvenait, c'était de bonbons. Beaucoup, beaucoup de bonbons. Et des poneys avec des papillons, des marmottes qui mettaient du chocolat dans du papier aluminium ... et d'une peluche. Une peluche ? Bah, pour le moment, elle avait juste envie de flemmarder encore un peu, confortablement enfoncée dans ce divin matelas, son oreiller serré contre elle. Deux minutes ... il avait quand même drôlement grandi en une nuit, l'oreiller. Sans compter qu'il avait l'air beaucoup moins moelleux que la veille au soir. Lee ouvrit brusquement les yeux, tandis qu'une vague de choc réveillait complètement son cerveau. Elle comprit tout d'un coup pourquoi la peluche n'avait pas de forme déterminée. Oups. | |
| | | Constantin Ducomte
Messages : 18 Date d'inscription : 02/09/2010
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Lun 21 Nov - 21:06 | |
| La nuit était bien le seul moment où l’observation de Constantin pouvait conduire à penser qu’il s’agissait d’un adolescent tout ce qu’il y a de plus normal. Une fois ses yeux anormalement perçants clos, son visage reprenait une expression d’un calme réel plutôt que mesuré. Ses lèvres cessaient d’arborer le sourire confiant de celui qui veut convaincre et les quelques rides de contrariétés qu’il avait pu contracter dans la journée disparaissait rapidement. D’une certaine façon, il était bien plus beau ainsi, une fois le masque d’homme d’affaire tombé. Mais bien évidemment, ce n’est sans doute pas ainsi qu’il verrait les choses, préférant rester dissimuler derrière sa carapace d’indifférence.
A vrai dire, il craignait la nuit plus tous autres adversaires. Non parce qu’elle dévoilait chez lui ce qu’il tenait à laisser cacher, mais parce qu’elle était aussi le signe de la venue des cauchemars. Car oui, Constantin Ducomte faisait des cauchemars. Il ne s’en souvenait que rarement mais n’avait pas besoin de ça pour savoir de quoi il rêvait exactement. Et ses draps trempés de sueur au réveil ne trompait pas : le jeune homme tremblait de peur toute la nuit, dissimulé sous sa couette. Il détestait cela et c’est la raison pour laquelle il n’appréciait pas de dormir dans la même pièce que quelqu’un, alors dans le même lit. Par prudence, il avait préféré faire semblant de dormir au début, attendant d’entendre la respiration de Lee stabilisée pour s’autoriser à se laisser aller au sommeil. Peu importe la fatigue qui surviendrait peut-être le lendemain, il y avait des choses qu’il ne pouvait montrer à personne.
Etrangement, dans les souvenirs flous qu’il avait de cette nuit, il n’y avait que peu d’angoisse et de crainte. Au début, beaucoup. Sans doute le mélange de ses peurs habituelles avec le souci de se cacher aux yeux de Lee. Et puis, étrangement, il s’était calmé. Lui-même s’en était rendu compte à travers les bribes de rêves qu’il avait en mémoire. Pour une fois, il se sentait bien. Parfois dans une petite maison à la cheminée accueillante, d’autres fois enveloppées comme une chenille dans un cocon de soie extrêmement doux. Non, bizarrement, Constantin n’avait que peu cauchemarder cette nuit-là. Il en ignorait totalement la raison mais il se gardait bien de s’en plaindre. A vrai dire, il n’avait même pas envie de se réveiller, raison pour laquelle il faisait traîner cette période de flou post-sommeil et pré-réveil.
Le jeune français essayait de connaître les raisons de cette nuit anormalement calme. La literie de l’hôtel peut-être ? Décrite comme véritablement parfaite ? Non, c’était idiot, il disposait d’un lit extrêmement cher et avait déjà voyagé dans des lieux autrement plus luxueux. Il serait étonnant qu’un simple hôtel comme celui-là dispose de la meilleure literie du monde. Il devait y avoir autre chose. Ouvrant lentement ses yeux vairons, le jeune homme distingua par ses yeux encore embués de fatigue, les rayons du soleil qui perçait à travers les rideaux. Il faisait encore chaud dans la chambre, plus qu’il ne l’aurait imaginé compte tenu du thermostat. Soudain, il identifia la source de cette chaleur. Il sentait son ventre entouré par un objet diffusant une douce chaleur et même son dos était collé à une source du même genre. Le temps que toutes les connexions de son cerveau se fasse et il comprit. Cette chaleur était humaine.
Il n’y eut pas un seul cri, pas d’avertissement. Rien qu’une vrille de douleur dans son cerveau, comme des milliers de dents pointues qui s’enfonçaient dans sa chair pour lui arracher les neurones. Il savait que ce n’était pas réel mais brusquement tout sembla plus sombre autour de lui, l’air semblait s’être raréfié. Dans les bras de Lee, le corps du jeune homme se mit à trembler avec une rare intensité. On aurait dit qu’il avait perdu plusieurs degrés en une seconde étant donné la pâleur soudaine de sa peau. Dans sa douleur, Constantin perçut tout de même qu’il avait tout intérêt à se dégager s’il ne voulait pas tomber dans le coma ou autre joyeusetés du même genre. D’un geste brute, il se défit des bras et de Lee et se jeta aussi loin que possible d’elle, tombant même du lit. Sans faire attention au bruit de son coude contre le sol, il rampa sur quelques mètres avant de s’immobiliser aussi vite qu’il n’avait bougés. Ses jambes vinrent se collées à son torse et il enroula ses bras autour, dissimulant son visage dans le cocon ainsi formé, ne laissant dépasser que le regard vairon. Il tremblait toujours autant
Quelques minutes plus tard, il reprit ses esprits. Son regard percevant le visage de Lee juste devant lui, il n’arrivait pas à déterminer la nature de son expression. Pitié ? Compassion ? Ou pire encore. Ce n’était pas ce qui lui importait. Son pire secret venait d’être éventé, tout ce qu’il craignait. D’une voix faible, qui reprenait peu à peu de l’assurance, il demanda. - Pourquoi … ? Que … ? Qu’est-ce qui s’est passé ? | |
| | | Lee Tarée de Chicago
Messages : 29 Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Jeu 1 Déc - 23:32 | |
| Lee se redressa légèrement, mais le cri qu'elle poussa fut à cause de la réaction de Constantin. Et c'était un cri de surprise, non de panique. Remarque, elle n'avait pas de raoson de paniquer ; ce qui n'était de toute évidence pas le cas du français.
- Qu'est-ce que ? . . ., parvint-elle à articuler.
Pas digne d'un génie, cette réplique.
Elle mit en marche son cerveau qui, ensommeillé, protesta ; elle insista. Il fallait qu'elle se réveille et comprenne le problème . . . bah, il n'y avait rien à comprendre. Constantin avait fait une crise à son contact. Lee repoussa sa légère indignation, en se disant qu'il y aurait eu le même problème avec n'importe qui. C'était puéril de se vexer, quand on pensait qu'elle avait failli le tuer. Bon, peut-être pas le tuer . . . mais le faire perdre connaissance, c'était certain. L'hypothèse qu'elle avait construite petit à petit, à partir des divers éléments qu'elle avait pu observer, se vérifiait brillamment. Mais étrangement, Lee n'en ressentit aucune auto-satisfaction. Voir Constantin prostré dans cet état y était peut-être pour quelque chose. Elle devait bouger, maintenant. Agir.
Son premier réflexe la surprit par sa stupidité : elle avait voulu tout naturellement aller voir de près s'il allait bien. Elle se retint de justesse ; évidemment, le français avait préféré risquer le traumatisme crânien sur le parquet plutôt que de rester auprès d'elle ! Sans doute n'avait-il pas franchement envie qu'elle s'approche de nouveau. Elle l'avait traumatisé, le pauvre . . .
Non, pas "le pauvre". Lee se mordit la lèvre. Elle se dégoûtait : voilà qu'elle avait pitié de Constantin. C'était un des pires sentiments qu'on pouvait avoir envers quelqu'un, la pitié. L'américaine préférait de loin la haine ; tout sauf la pitié. La pitié était pour les gens méprisables, et le jeune noble n'en faisait pas partie. Malgré leurs nombreux différends, elle avait appris à le respecter . . . plus que ça. Et pourtant . . . elle ne voulait pas encore se l'avouer, mais voir Constantin ainsi lui faisait comme un pincement au coeur.
Cependant, elle se justifia vite : les faibles / handicapés / malades l'avaient toujours mise mal à l'aise. Rien d'exceptionnel.
- Respirez, Constantin. Je vous demande sincèrement pardon, c'est arrivé par inadvertance.
Voilà qui était déjà mieux. Lee se leva complètement, se dépêtrant à grand-peine de ses draps. Elle préféra ne pas penser à ses cheveux, à sa tête d'endormie et plus globalement à son état général ; elle détestait qu'on la voie au saut du lit, elle avait presque l'air vulnérable en pyjama. C'était mauvais pour son image de stratège sûre de soi.
Bon, elle agirait au feeling. Mieux valait faire comme si tout cela ne l'avait pas choquée le moins du monde, sans cependant l'ignorer. Elle disparut dans la cuisine, et en revint aussi vite, un grand verre d'eau à la main. De l'eau froide, c'était ce qu'il lui aurait fallu pour redonner à son visage sa fraîcheur habituelle . . . bah, il y avait plus urgent. Lee hésita un quart de seconde, puis rassembla son courage, et s'installa en tailleur face à lui. Elle dut faire un effort pour soutenir son regard ; décidément, Constantin avait des yeux dérangeants. Surtout ce matin. Mais elle avait la conviction que si elle cillait, il ne lui ferait plus confiance. C'était aussi une question d'honneur, toujours d'honneur.
Enfin, elle posa le verre entre eux, devant le français, et ne s'autorisa qu'alors à baisser les yeux. On aurait dit une enfant prise en faute.
- Je ne savais pas que je bougeais autant dans mon sommeil . . . attendez de moins trembler pour boire ça.
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| | | Constantin Ducomte
Messages : 18 Date d'inscription : 02/09/2010
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Mar 6 Déc - 22:19 | |
| Même alors qu’il était maintenant complètement réveillé, ou tout du moins ; parfaitement conscient de ce qui se passait autour de lui, le jeune homme n’arrivait pas à comprendre ce que Lee cherchait à lui dire. Elle affichait une mine parfaitement désolé et ses lèvres semblaient former des mots d’excuses mais les oreilles de Constantin restaient sourdes aux sons qui auraient pu les atteindre. Il la suivit dans son périple à travers la chambre, ne devinant qu’à moitié ce qu’elle cherchait. Son cerveau avait beau être génial, il y avait toujours des moments où il ne fonctionnait pas correctement et on ne pouvait lui reprocher de tourner au ralenti après une crise de cette envergure. Il ne prit conscience de l’accoutrement de Lee qu’au bout de plusieurs secondes, mettant ensuite quelques temps avant de comprendre qu’un pyjama n’avait rien d’incongru quand on sortait à peine du lit. Les connexions se refaisaient lentement. Il avait dormi dans la même literie qu’elle, ce qui expliquait son malaise, dans son sommeil, elle avait bougée et l’avait touchée. Fin de l’histoire. Enfin, elle avait fait plus que le toucher puisqu’elle l’avait carrément pris dans ses bras, mais il ne s’attardait pas sur des détails.
Encore que si en fait, mais pas ceux-là. Ces yeux vairons à demi-endormis suivaient la jeune femme avec une régularité effrayante et les pensées qui lui traversaient l’esprit n’étaient pas toutes cohérentes. Il se surprit ainsi à la trouver digne, et belle, même dans une pareille situation, en pyjama, au saut du lit, en train d’apporter de l’eau à un infirme. Néanmoins, la partie rationnelle de son esprit, qui refaisait peu à peu surface, mit ceci sur le compte du choc et oublia rapidement.
Finalement, elle se posa face à lui, un verre d’eau dans les mains. Et pendant de longues secondes, leurs regards ne se quittèrent pas un instant. Le jeune homme clignait vaguement des paupières, comme s’il tentait de reprendre peu à peu contact avec la réalité, mais ses yeux à elle ne changeaient pas, restant obstinément braqué sur lui. Il prit cela comme de l’inquiétude plutôt que de la pitié ; elle semblait vouloir éviter à tout prix cet état d’esprit et il ne lui en tiendrait pas rigueur. Elle ne baissa le regard, et la tête, que lorsqu’elle eut posé le verre au sol et c’est à ce moment que le visage de Constantin bougea enfin. Il tourna son regard bancal sur le verre d’eau et s’en saisit avec hésitation, sa main tremblait encore.
Par un exploit difficilement explicable, il réussit à ne rien renverser et avala une bonne moitié du contenu avant de reposer le récipient au sol. Quand il parla, sa voix n’était plus qu’un souffle, rauque et distant.
- Je vous pardonne, vous ne pouviez pas deviner. Ce n’est pas votre faute Lee.
C’était bien là la preuve que la partie rationnelle du cerveau de Constantin avait repris une grande part de son contrôle. Car la partie encore paniqué ne rêvait que d’une chose : balancer plusieurs répliques cinglantes, insulter Lee de tous les mots possibles et quitter cette chambre au plus. Mais cela était stupides, d’abord parce qu’elle se défendrait probablement, ensuite parce que c’était lui qui avait proposé cette idée de dormir dans le même lit et qu’il en acceptait les conséquences.
D’un geste rapide, et un peu plus assuré, il reprit le verre d’eau et le finit. Il ne semblait pas gêné plus que ça de se trouver en pyjama devant elle, essentiellement parce que la situation précédente était largement assez embarrassante comme cela.
- Si vous tenez à ce que nous discutions de cela, je vous prierais d’attendre quelques heures, que nous nous mettions un peu au boulot, cela nous occupera si nous ne trouvons rien.
Sa voix était toujours rauque mais il semblait reprendre peu à peu de l’assurance. En demandant cela, il se donnait ainsi le temps de trouver une excuse et une explication à tout cela, ou bien tout simplement un moyen de ne pas en parler, Lee étant suffisamment intelligente pour comprendre toute seule. Il n’avait juste pas besoin qu’elle connaisse les détails de l’histoire.
Son regard se détacha soudain de la jeune femme, observant la chambre et s’arrêtant sur la canne posée près du lit, elle paraissait extrêmement loin à présent.
- Vous seriez très gentille d’aller me chercher ma canne, je crains de ne pas pouvoir y aller seul, ou alors en provoquant un nouvel accident. Ce que nous ne souhaitons pas tous les deux. | |
| | | Lee Tarée de Chicago
Messages : 29 Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Dim 11 Déc - 2:59 | |
| Parfait ! Il ne lui en voulait donc pas, du moins, il disait ne pas lui en vouloir. Certes, sa dernière réplique lui donnait la mauvaise impression d'être une bonniche, mais elle écrasa bien vite cette pensée ; Dieu ce qu'elle était fière. Il fallait vraiment qu'elle corrige ce trait de caractère, s'énerver pour une simple faveur demandée représentait le summum de l'immaturité. Quoique ... si maintenant elle s'en rendait compte, cela signifiait qu'elle était déjà moins puérile que cinq ans auparavant. Elle avait donc progressé ... apparemment. - Mais bien sûr ! Tout de suite ! Désolée, j'aurais dû y penser. Lee se leva donc de bonne grâce, et tendit bientôt sa canne au français. En prenant soin de la tenir par l'autre extrémité, pour que leurs mains ne se touchent pas. Désormais, elle éviterait le contact à tout prix. Cela la mettait mal à l'aise ; elle avait l'impression d'être en compagnie d'un pestiféré. Mais ils n'avaient pas le choix. L'américaine n'avait pas envie de provoquer le coma de son coéquipier. Quant à cette "chose" dont il voulait si peu parler, elle ne releva pas. Si cela le dérangeait à ce point, soit. Elle décida fermement de ne plus y faire allusion. * * * Il faisait un temps idéal ; la fraîcheur de l'air revigorait. Le ciel, bien que sans pluie, cachait le soleil sous un doux manteau gris-blanc, à l'uniformité iréelle. Ainsi, la crête des arbres se détachait comme sur une toile sans fond, que déchirait de temps à autre le passage d'oiseaux noirs. Les deux voyageurs marchaient depuis une bonne heure, leurs pas crissant sur le tapis de feuilles mortes. Ils avaient quitté les sentiers pour aller plus vite. Voilà donc un certain temps qu'ils contournaient les rochers millénaires couverts de mousse, effleuraient les chênes vénérables qu'une sagesse étrange semblait emplir. Ils avaient dépassé les chutes d'eau du Val sans retour, et du haut d'une falaise, profité du spectacle époustouflant du lac de Lancelot. Celui-ci semblait aussi blanc que le ciel qu'il reflétait. Ils avaient croisé quelques écureuils, avaient même cru entendre un sanglier fureter non loin ; et s'ils n'avaient pas eu de but, Lee n'aurait quand même pas considéré la journée comme perdue. Elle aimait cet endroit, et elle aimait le parcourir avec Constantin. Là, en ce moment-même, elle se sentait bien. A chaque fois qu'elle posait une main sur le tronc d'un arbre, à chaque fois que son regard plongeait dans les profondeurs insondables de l'immense forêt, à chaque fois qu'elle escaladait lestement une pierre isolée, c'était comme si elle retrouvait de vieux - très vieux - amis. Lee les sentait qui lui souhaitaient la bienvenue ; quelque part, un rythme sourd, comme venu d'un autre âge, donnait la cadence de ses pas. Elle voyait presque les autres habitants de ces lieux ... ceux qu'on avait relégués au rang de mythes. Un sentiment diffus planait sur son âme, quelque chose qu'elle n'arrivait pas à identifer, mais qui la réchauffait. La terre de légendes qu'ils foulaient les accueillait à bras ouverts ... comme s'ils étaient enfin revenus chez eux. En pénétrant dans Brocéliande, ils en étaient devenus partie intégrante. Nos aventuriers débouchèrent enfin sur la clairière qu'ils visaient. Au centre, un petit bâtiment de pierre se dressait vaillamment, défiant le temps. La brume matinale qui le nimbait accentuait son apparence fantastique. L'américaine tapa dans ses mains, ravie ; son visage, assez mélancolique durant tout le trajet, s'illumina de son dynamisme habituel. - Et voilà la chapelle ! Bien, ça a l'air désert. Nous allons pouvoir chercher ce qui nous intéresse. Ce qui les intéressait, Lee ne savait pas encore trop de quoi il s'agissait. Mais mieux valait le chercher sans regards indiscrets. Elle se précipita vers la construction avec une vigueur redoublée, oubliant momentanément que son atypique compagnon aurait peut-être du mal à tenir la cadence longtemps. Bah, le but n'était pas de le ménager. Les réjouissances allaient à peine commencer, après tout. Lee bondit presque sur le minuscule perron et poussa par réflexe la poignée de fer. A sa grande surprise, la porte se révéla ouverte. Le battant s'ébranla dans un léger crissement, ne laissant deviner que les ténèbres. Chose qui là encore, sembla réjouir la surdouée au plus haut point. Elle se retourna vers le français ; ses yeux noirs brillaient plus que jamais. Ses joues avaient rougi sous l'effet de l'excitation. - C'est à nous de jouer, Constantin.
Dernière édition par Lee le Ven 13 Jan - 23:00, édité 1 fois | |
| | | Constantin Ducomte
Messages : 18 Date d'inscription : 02/09/2010
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Sam 7 Jan - 18:07 | |
| Constantin Ducomte n’avait jamais été un grand fan des longues balades en forêt, et ce pour des raisons tellement évidentes qu’il semble inutile de les repréciser ici. Il n’en était toutefois pas incapable de percevoir la poésie qu’il y avait à arpenter ces vieux sentiers couverts par les arbres. Il s’efforçait simplement d’y rester insensible, cela n’était en aucun cas une aide et cela pouvait même le ralentir. Déjà qu’il peinait quelque peu à suivre le rythme de Lee, même s’il semblait mettre un point d’honneur à ne pas le montrer de quelques façons que ce soit. En chemin, son regard effleurait chaque branche, chaque fleur, chaque ombre parmi les troncs, les bruits lui parvenaient amplifié, du crissement de la terre sous ses chaussures de marques jusqu’au plus petit gazouillement d’oiseau. Cela faisait diablement longtemps qu’il n’avait pas marché en pleine nature et il semblait la redécouvrir à chaque seconde, sans pour autant en être décontenancé ou émerveillé, il se contentait de l’observer, en masquant la curiosité qui l’assaillait.
Bien sûr, il connaissait les forêts. Le manoir Ducomte de son enfance se situait en pleine campagne et ses parents, en grands sportifs, adoraient les randonnées. Ils y avaient fréquemment emmené le jeune Constantin, dans le but de lui apprendre à marcher et de l’habituer à sa canne. Son père n’avait jamais mal pris la situation de son fils, il l’avait toujours appréhendé comme un petit obstacle aisément surmontable. Mais cela faisait déjà plusieurs années que ce genre de petite balade avait cessées et, encore aujourd’hui, le jeune homme se demandait si cela lui manquait ou non. Finalement, il choisit d’ignorer les souvenirs qui l’assaillaient et de se reconcentrer sur ce qu’il avait devant lui. Grand bien lui en prit puisque c’est à ce moment que surgit la silhouette qu’ils attendaient tant, désignée par Lee. La chapelle ne tranchait pas vraiment au milieu de cette ambiance forestière, son état quelque peu délabré faisait penser aux vieux châteaux des contes de fées classiques.
Il n’y avait en effet personne et il était amusant de constater que ce bâtiment semblait n’avoir subi aucune dégradation moderne, contrairement à de nombreux autres monuments historiques. A l’abri au cœur de cette forêt légendaire, il s’était parfaitement conservé, loin des hommes. Mais aujourd’hui, il ne pourrait pas échapper aux regards inquisiteurs de deux des plus grands génies de leur temps. Ils avaient quelque chose à tirer de cette chapelle, c’était quasiment certain et ils ne repartiraient pas tant qu’ils n’en auraient pas extrait tous les secrets. Ce qui ne devrait pas prendre tant de temps que cela ; pas pour eux en tout cas.
Par chance, la porte s’ouvrit sans la moindre résistance, une preuve de plus que cet endroit était oublié de tous, on n’avait même pas pensé à le protéger des voleurs et autres squatteurs. Finalement, c’était peut-être là le meilleur moyen de protéger les bâtiments historiques, les faire oublier de tous. Oh, sans doute les promeneurs du coin connaissaient-ils cet endroit mais en tant que locaux, ils devaient préférer conserver cet endroit dans cet état et n’avait guère ébruité son existence, le mettant ainsi à l’abri des touristes. La présence du château de la mythique dame blanche non loin n’était sans doute pas étrangère non plus à l’absence de succès de la petite chapelle. Cet endroit avait décidément tout ce qu’il fallait pour plaire à Constantin.
Sans partager ouvertement l’enthousiasme de sa compagnonne d’aventure, le français s’avança d’un pas traînant dans l’édifice, sa démarche lente donnait l’impression d’un immense respect qu’il portait à l’ouvrage sacré.
-En effet, je m’occupe de la droite, vous de la gauche ?
Sans guère attendre, il s’avança vers le côté qu’il s’était désigné, ne jetant qu’un bref coup d’œil au centre de l’édifice. Le tout était très peu éclairé, le temps ayant emporté les bougies qui devaient donner sa lueur aux lieux, cela soulignait la vieillesse de l’endroit car peu d’ouvertures étaient taillées dans les murs et les rares vitraux créaient des poches de lumières bienvenues au milieu de ces ténèbres. Néanmoins, le soleil encore bas du matin permettait de discerner tout ce qu’il fallait à l’intérieur de l’église. Au-dessus de l’autel, à une hauteur trop grande pour être anodine, était gravée dans la roche une phrase en latin. Constantin n’eut même pas à s’y attarder pour savoir qu’il s’agissait d’une prière au Seigneur, classique et complètement inutile, du moins pour le moment. Ce n’était pas cette phrase là qu’il cherchait.
A pas lents, il inspecta chaque recoin de la chapelle, déplaçant parfois, tantôt une chaise, tantôt un petit meuble, afin d’être sûr de ne rien oublier. Ce n’est qu’au bout de plusieurs minutes de recherche, durant lesquelles il avait perdu trace de Lee, qu’il tomba sur quelques chose d’intéressant. Au-dessus d’une petite alcôve était gravée, de manière beaucoup plus modeste, une autre phrase en latin. Mais celle-ci était bien plus importante aux yeux du jeune homme, il s’agissait en effet de « Veritas vos liberabit », la devise des templiers d’autrefois. Le fait que rien ne cherche à la mettre en valeur ne faisait que mettre en évidence son importance aux yeux de gens intéressés comme lui. En baissant les yeux, il découvrit que cette phrase n’était pas non plus inscrite ainsi au hasard, devant lui se tenait un confessionnal, le bois quelque peu bancal et donnant une impression de tristesse et de vieillesse propre à l’endroit. La porte était entrouverte et la petite pièce semblait se morfondre de ceux qu’elle avait autrefois accueillis.
Le jeune homme éleva à peine la voix, suffisamment toutefois pour qu’elle se répercute à travers l’église.
- Lee ? Je crois que j’ai trouvé quelque chose. | |
| | | Lee Tarée de Chicago
Messages : 29 Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Ven 13 Jan - 23:50 | |
| Depuis qu'elle était entrée là, Lee sentait que quelque chose clochait. Son instinct le lui soufflait – et sauf très rares et humiliantes occasions, son instinct ne l'avait jamais trompée. Certes, le sentiment n'était pas oppressant non plus ; elle n'en était pas au stade de crise paranoïaque. Pas encore.
En vérité, l'intérieur de la chapelle lui rappelait quelque chose. Elle ne savait trop quoi, mais elle était certaine d'avoir déjà vu cet endroit. Où, dans quelles circonstances ? Elle croyait se souvenir de tout : la semi-pénombre si particulière, le plafond bas, l'air chargé de poussière, jusqu'à l'alignement des pavés … l'alignement des pavés ? Étrange. Elle avait déjà vu ce sol, ce plafond et ces murs. Pas le reste. Les vieux meubles ne lui disaient rien. Les sourcils froncés, la surdoué en oublia presque leur premier objectif : retrouver la fameuse phrase. Presque, mais pas tout à fait. Lee Underfall n'oubliait jamais rien, on pouvait en être sûr. Même si une information tombait en sommeil pendant des années dans son cerveau, elle pouvait tout aussi bien être ressortie en un quart de seconde en cas d'utilité. Beaucoup de ses adversaires en avaient fait les frais. Il ne fallait pas compter sur l'étourderie de Lee. Ses synapses sur-développées étaient capables de pénétrer au-delà des limites du subconscient humain lambda ; elles voyaient ce que la mémoire avait censuré et étouffé. Elles produisaient des miracles que les meilleurs scientifiques du monde entier ne comprenaient pas. D'ailleurs, ils s'en arracheraient encore les cheveux dans vingt ans. Personne ne parviendrait à percer le mystère d'un cerveau surdoué ; pas même lesdits surdoués. Autrement dit, Lee n'avait pas (du tout) prévu sa propre réaction lorsqu'elle rejoignit Constantin pour regarder à l'endroit indiqué. - Bien joué. Nous avons le début de notre piste … au-dessus d'un confessionnal, amusant ! Le 'tilt' se produisit au mot 'confessionnal'. Le déclic fut douloureusement rapide ; l'américaine elle-même ne suivit pas. Elle dut rembobiner pour relire les messages électriques qui venaient de lui attaquer les neurones. Confessionnal, péché, crime, meurtre, cadavre, sang, rouge, croix, autel. Le confessionnal était sous leurs yeux. Tuer représentait un péché, cela allait de soi. Un cadavre rouge de sang, lié à une croix … la croix liée au cadavre ? Lee pâlit. Très légèrement, ce n'était pratiquement pas discernable dans la semi-pénombre ; mais en tout cas, elle réagit. Le rêve. Évidemment, elle avait fait un autre rêve que le délire stupide qui l'avait conduite à une situation aussi gênante avec Constantin, ce matin-là. Il y avait autre chose avant … Chicago. Elle avait revu Chicago. Il y avait deux de ses amis … et … Souviens-toi, ma grande. Tu peux le faire. Faux. Techniquement, le cerveau effaçait automatiquement les rêves au bout de dix minutes après le réveil ; ce qu'il en restait ? Au mieux, des bribes inutilisables. S'en souvenir entièrement était surhumain. Elle ne pouvait pas creuser aussi profondément dans sa mémoire, malgré tous les efforts spectaculaires que sa machine cérébrale était prête à développer. Dégonflée ! La jeune fille fronça les sourcils. Un défi, hein ? Parfait, elle le relevait ! Chicago, un cadavre rouge de sang … non, c'était autre chose. La croix ? La croix rouge de sang, liée … au cou ! Une croix rouge de sang au cou d'un cadavre ! Elle se souvenait maintenant ! C'était un épisode assez sombre de ses folles échappées à Chicago. Un type qui n'avait rien à faire sur leur territoire était venu y dealer, et de parfaits inconnus l'avaient descendu. L'affaire s'était arrêtée là. Mais quel rapport avec cette église ? A part la croix … l'autel ? Prise d'un doute soudain, Lee se détourna de l'inscription tant recherchée. Deux secondes étaient passées depuis sa dernière prise de parole, quand elle fit quelques pas vers le centre de la salle. Elle s'arrêta à cinq mètres de l'autel, bien en face de l'installation. Le 'tilt' se reproduisit. Cette vue était exactement la même que dans son rêve. Les meubles étaient en trop ; mais l'essentiel se trouvait là, juste sous ses yeux. Elle eut du mal à y croire : les rêves prémonitoires ne l'avaient jamais convaincue. Pourtant, il fallait bien se rendre à l'évidence … la coïncidence était vraiment énorme. - Il y a peut-être quelque chose par rapport à …, marmonna-t-elle, plus pour elle-même que pour son compagnon de voyage. Elle reporta son regard sur l'alcôve, puis sur l'autel. Ses yeux firent l'aller-retour trois fois. Apparemment, rien de suspect. Avec un soupir déçu, elle tourna la tête vers le côté qu'elle avait été chargée d'inspecter ; et soudain, comme une illumination, apparut dans le mur la même enclave que celle de droite. Il n'y avait pas de confessionnal dans celle-ci, mais il aurait très bien pu être déplacé. Lee se précipita vers sa trouvaille ; un coup d’œil lui suffit. Veritas vos liberabit, gravé en minuscules lettres gothiques dans la pierre. Il y avait deux inscriptions identiques à gauche et à droite, parfaitement face à face. Comme deux bras … deux branches ? L'américaine se tourna tout naturellement vers l'autel, une fois de plus. Ce dernier était plus proche des alcôves que ne l'était la porte d'entrée. Et l'autel était lui aussi proprement opposé à la porte. Si on traçait une ligne imaginaire pour relier les deux alcôves, et une autre pour relier la porte à l'autel … on obtenait une croix. Bien sûr : les églises, même pré-gothiques, étaient traditionnellement construites en forme de croix. Elle aurait dû penser tout de suite à ce détail. La croix, c'était fait. Rouge de sang, c'était une autre affaire. En reprenant le contexte, la relation pouvait être évidente : la croix rouge, celle des templiers. Restait à la trouver. Ou était le cadavre ? - Le cadavre ? murmura-t-elle à voix haute. Sur l'unique marche menant à l'autel. Si elle s'en souvenait bien, en tout cas. Incertaine, elle fit quelques pas rapides vers ce dernier, les yeux rivés au sol ; avant de s'en rendre compte, elle parcourait la distance à quatre pattes, soulevant la poussière des pavés. Ici, quelque part ! Il y avait un indice, un élément … ses mains rencontrèrent soudain une proéminence inattendue sur une dalle anormalement polie. Une fraction de seconde, la jeune fille se cogna la tête contre la paroi dure de l'autel ; mais le choc qui secoua son crâne ne vint pas seulement de cet incident-là. Elle venait de poser les doigts sur un gisant. Ou plutôt, une plaque de mémoire : il n'y avait décemment pas de place pour un corps sous une dalle si petite. Au centre de la surface, lisse, ressortait une petite croix. Le symbole se détachait par une couleur délavée, légèrement plus foncée. Il y avait bien une inscription en-dessous, mais les lettres, considérablement usées, se déchiffraient à peine. Lee dût presque embrasser le sol pour y discerner quelque chose. Bingo. - Dites-moi, Constantin. Connaissez-vous un certain 'Stanislas de' … un nom en 'Lo...' ? | |
| | | Constantin Ducomte
Messages : 18 Date d'inscription : 02/09/2010
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Ven 20 Jan - 22:13 | |
| Si Constantin avait été surpris par la manière de procéder de sa compagne, il n’en avait rien laissé paraître, se contentant de la suivre du regard dans ses déplacements. Et tentant de la suivre dans ses réflexions même si cela semblait assez difficile, elle avait tout d’abord recherché une forme particulière, qui devait sans doute être la croix qui servait de base à toute église digne de ce nom, avant de partir à la recherche d’un cadavre. Corps qu’elle n’avait, évidemment puisqu’il n’y en avait pas ici, pas trouvé mais elle avait réussi à trouver une dalle apparemment intéressante. A vrai dire, le jeune français commençait à douter un peu lorsqu’elle prononça le nom qui devait être inscrit sur la plaque. Stanislas. Il connaissait très bien ce nom, en tout cas, s’il était suivit de « De Lorraine » alors il le connaissait très bien. Il s’agissait là d’un de ses illustres ancêtres.
- Stanislas de Lorraine ? Oui, je connais.
Il s’avança à grands pas, du moins aussi grand que le lui permettait sa canne, et s’agenouilla aux côtés de l’inscription, se penchant à son tour pour avoir confirmation de ce qu’elle venait de dire. Cette plaque, vraisemblablement celle d’un gisant, était celle d’un ancêtre de sa famille. A voir la lueur de curiosité qui brillait intensément dans les yeux du jeune homme, cela devait être très intéressant.
- C’est un ancêtre de ma famille, un templier d’ailleurs. A l’époque, les Ducomte n’existaient pas vraiment, ils étaient comte de Lorraine.
A la vérité, ce titre était resté jusqu’à la révolution française, époque à laquelle la famille de Constantin avait senti le vent tourner et avait cru bon de retourner sa veste pour soutenir les républicain. Afin d’éviter tout soucis, ils renoncèrent à leur titre de noblesse mais en conservèrent une trace évidente dans leur nom. Sans doute Lee devait-elle en avoir un peu entendu parler, ou pas du tout après tout cela n’avait aucune importance.
- Cela pose un problème. Stanislas est mort en Terre Sainte et son corps n’a jamais été rapatrié, il n’a eu le droit qu’à un enterrement symbolique dans la crypte de ma famille. Je ne comprends pourquoi il y aurait un gisant de lui dans cette église … Permettez.
Le jeune homme se rapprocha encore, tout en tâchant de ne pas toucher Lee ce qui n’était pas une mince affaire. Heureusement, elle eut la gentillesse de s’écarter un peu, tout en conservant un œil attentif sur ce qu’il faisait.
- Il faudra que vous m’expliquiez un jour comment vous avez trouvé cela…
Sans insister là-dessus, le français inspecta du bout des doigts la plaque entière, essayant de percevoir d’autres instructions. C’est en passant sur les bords qu’il sentit son ongle passer sous la pierre d’une dalle adjacente. Surpris, il poussa quelques et la dalle, très fine en réalité, se souleva d’abord après un petit déclic, puis le jeune homme put la soulever et la poser à côté de lui. C’était un système ingénieux, il était impossible de percevoir la différence à moins de se pencher très nettement sur l’autre plaque. Et il était très difficile de percevoir la présence de cette plaque de gisant. Ce mécanisme était clairement destiné à quelqu’un qui savait déjà que la plaque était là.
Sous la fausse dalle se trouvait un texte en latin, un hommage au défunt que Constantin ne prit pas la peine de traduire, l’inspectant tout de même longuement pour tenter d’y percevoir un sens caché. En désespoir de cause, il se pencha sur deux pièces incrustés dans la roche mais faites de bois, un détail incongru à une époque où la taille de pierre devenait très précise. Deux blasons, deux emblèmes. L’un était templier, deux hommes sur le même cheval, c’était également le blason de la famille Ducomte. L’autre était très classique, un bouclier découpé en quatre parties sur lequel était représentée une tête de reptile aux yeux semblables à des flammes et au long museau tourné vers le bas du bouclier. Un sourire se dessina sur les lèvres du français.
- C’est l’ancien blason de ma famille, avant qu’ils ne prennent celui des Templiers, plusieurs années après la destruction de ceux-ci. Sauf que … il y a un problème. La tête de dragon n’est pas dans ce sens normalement.
Des pièces de bois, quelque chose de facile à déplacer et à relier à des mécanismes … Instinctivement, le jeune homme posa sa main sur le blason et prit la tête, qui était un peu en relief. Tout doucement, il tourna la pièce de bois qui fit un tour complet sur elle-même, tournant maintenant ses yeux vers un ciel imaginaire.
De nombreux bruits se firent entendre, semblant venir d’en dessous, comme de vieux mécanismes qui se mettent en branle. Enfin, un glissement de pierre se fit sentir et Constantin releva les yeux pour voir la pierre se trouvant sous l’autel qui se déplaçait de plusieurs mètres, emportant l’autel dans le mouvement. Il tourna des yeux brillants vers ceux de Lee.
- Tout cela ressemble furieusement à un mauvais film américain … Sans vouloir vous offenser bien sûr.
Il se releva et se dirigea à pas assuré vers le passage ainsi ouvert, un escalier de pierre s’enfonçait dans le sol, sur une trop longue distance pour espérer apercevoir le fond.
- Vous n’auriez pas une torche par hasard ?
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| | | Lee Tarée de Chicago
Messages : 29 Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Sam 21 Jan - 3:55 | |
| Si on avait à ce moment-là fait une modélisation de ce qui ce passait dans le cerveau de Lee, on aurait obtenu un feu d'artifice comparable aux célébrations de la nouvelle année à Sydney. Autrement dit, assez de fusées pour faire fumer les océans. Elle avait déniché un gisant qui n'avait aucune raison d'être là ! Constantin y avait trouvé un passage secret, un vrai ! Un mécanisme encore en état de marche, après tant de siècles ! Le véritable début du jeu ! Quelle excitation, quelle adrénaline ! Et elle ne savait même pas comment elle avait fait pour trouver cette piste ! Son sourire rayonnant se changea en grimace lorsque Constantin lança une remarque apparemment anodine. Il faudrait qu'elle lui explique. Oui, certainement. Elle en avait conscience, malgré le ton léger de son co-équipier. Surtout si la chose se reproduisait ... encore aurait-il fallu qu'elle sache ce qu'il s'était vraiment passé. Les synapses qu'elle interrogea revinrent bien vite à leur cadence habituelle (c'est-à-dire, une cadence déjà infernale). Elle allait devoir remettre la question à plus tard. Constantin aurait sa réponse quand elle-même l'aurait, chose qui honnêtement, ne lui plaisait pas. Par nature, Lee préférait toujours savoir avant les autres. Cela lui accordait un avantage de temps, même infime ; avantage inestimable dans certains cas. Tu n'es pas en spéculation boursière. Calme-toi. La jeune fille secoua la tête et préféra se reconcentrer sur l'aspect le plus important des évènements : ils avaient trouvé où leur voyage se poursuivrait. Comment, on s'en fichait pas mal, après tout ... Elle écouta Constantin d'une oreille attentive - tout du moins, son esprit stocka par automatisme. Décidément, il n'y avait rien de logique. Que fabriquait un gisant là où il n'y avait ni corps ni mécènes pour le justifier ? Et pourquoi autant de liens avec la famille de ce français ? Elle ne put s'empêcher de ressentir un certain vertige en songeant à l'ancienneté de sa famille. Ils avaient traversé pratiquement toute l'histoire européenne ... les Underfall étaient sortis d'on ne savait où, allaient on ne savait où, et étaient devenus éminents très vite. Point. Les Perry n'avaient pas à être cités du tout. En bref, c'était peu reluisant comme prestige généalogique. De quoi être jaloux. Bizarrement, notre américaine chevronnée changea vite de position en entendant le dernier commentaire - facile et méchant - de son accompagnateur. Un mauvais film américain ? Ah oui ? Non mais oh, ce n'était pas de leur faute si quatre-vingt cinq pour cent des sorties cinéma étaient américaines ! Il fallait bien quelqu'un pour la culture ! Eux étaient trop occupés avec leur crise pour s'en soucier ... Lee aurait pu improviser un discours du genre pendant des heures. Au terme duquel leurs chemins se seraient sans doute séparés. Mais évidemment, elle n'était pas (ou n'était plus) susceptible à ce point. Aussi préféra-t-elle réagir par la plus efficace des stratégies : le silence buté doublé du soupir lourd de significations. Elle finit par fouiller son sac à dos, et en sortit une lampe torche d'une taille conséquente. Quitte à explorer des souterrains vieux de huit siècles, autant voir ses pieds. - En avant, Monsieur Ducomte. Ne trébuchez pas. Montrant toujours une certaine bouderie, l'américaine partit devant ; au bout de son bras noyé dans le pull, la lampe ne tremblait pas. Il n'était pas encore esquissé, le plan du couloir sombre qui ferait peur à Lee Underfall. En fait, l'adolescente était submergée par un tel flot d'adrénaline qu'elle en aurait presque oublié la présence du noble derrière elle, s'il n'y avait pas eu le claquement obstiné de sa canne sur le dallage en pierre. L'endroit sentait la mort. En même temps, vu l'âge de cet air-là, rien d'étonnant. Le regard de Lee se focalisa très vite sur les murs ; ou plutôt, les fresques qui les ornaient. Etonnamment préservées, les couleurs n'avaient perdu que très peu de leur éclat premier ; les effritements ça et là ne gênaient pas la compréhension des dessins. Il s'agissait pour la plupart de scènes religieuses classiques. Les saints s'enchaînaient avec leurs auréoles et leurs poses identiques. La jeune surdouée, toute à sa fascination, ne put réprimer un petit sursaut lorsque sa lampe heurta quelque chose face à eux. Lever cette dernière fut à peine utile : elle comprit tout de suite. - Un cul-de-sac ... voilà un bon commencement, marmonna-t-elle. En effet, le couloir n'avait pas de suite. Du moins, en apparence. Lee préféra se dire que cet obstacle n'était qu'une illusion. Il devait y avoir un mécanisme, comme à la surface. Par réflexe, elle pensa à examiner les dalles au sol ; stupide. Deux fois le même coup de chance, il valait mieux ne pas y compter. Le mur lui-même, dans ce cas. Il y avait une fresque, là aussi. Mais qui se détachait singulièrement des autres. La scène faisait plutôt penser à une oeuvre de la Renaissance qu'à un vestige byzantin. Elle avait pour fond un ciel pur. Des centaines d'hommes en armes semblaient plongés en pleine transe collective ; c'était à qui avait l'air le plus illuminé. On tendait les bras, on hurlait au ciel, on s'évanouissait. Et au-dessus des chevaliers, nimbée d'un halo d'or, se tenait la silhouette d'une femme. Une large toge blanche la noyait ; ses prunelles de jais survolaient d'un éclat farouche la foule transcendée ; et ses cheveux longs - très longs - couvraient le ciel d'une large toile. Le tout surmonté de la même phrase : Veritas vos liberabit. Lee fronça les sourcils. Elle lui rappelait quelque chose, cette femme. L'américaine se retourna vers le français ; dans le faisceau de la lampe, son teint n'en paraissait que plus fantomatique. - Alors ? Où verriez-vous le déclencheur d'un second miracle ? Histoire qu'on ne reste pas coincés ici indéfiniment ? Personnellement, je pense qu'il est quelque part sur cette fresque. Sans compter l'anachronisme évident de la période artistique ... reste à savoir dans quel élément en particulier. Peut-être encore quelque chose en rapport avec votre famille ? Dans ce cas, c'est à vous de trouver. | |
| | | Constantin Ducomte
Messages : 18 Date d'inscription : 02/09/2010
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Sam 28 Jan - 16:51 | |
| Il était heureux que Lee ait pensé à prendre une lampe parce que le français avait complètement oublié cet accessoire indispensable à l’exploration de caveau. A sa décharge, il faut bien préciser que c’était la première fois qu’il s’aventurait dans un lieu qu’il devrait explorer de lui-même. Et puis, il est difficile de tenir une lampe quand une main est déjà prise par une canne. Il s’apprêtait à remercier la jeune femme quand elle le pressa à entrer d’un ton dur et … boudeur ? Constantin avait beau être surpris, il ne pouvait pas ne pas reconnaître cette attitude un peu en retrait qu’afficha l’américaine durant les premiers mètres. Et s’il s’en était amusé au début, il jugea rapidement nécessaire de s’excuser et de se justifier.
- Je me suis peut-être mal exprimer, j’aurais dû dire, un mauvais cliché de film américain. De fait, vous n’avez pas à vous plaindre, au moins vous avez des mauvais et des bons films, nous n’avons que des films … eh bien français, ce qui signifie affreusement prétentieux et longuet.
Il n’avait jamais peur de cracher sur certain aspect de sa culture et de son pays, et particulièrement celui-là. Alors même si cette discussion paraissait un peu surréaliste au milieu des fresques antiques, qu’il détaillait du regard avec la même intensité que d’habitude, il continua.
- Si vous voulez savoir, je regarde plus ce genre de film qu’autre chose, c’est … eh bien disons que ça détend.
Le sourire dans la voix était perceptible, et était sans aucun doute dû à l’excitation de la découverte qui se faisait là. D’une certaine façon, c’était aussi une confidence qu’il venait de faire à la jeune femme, ordinairement, il était perçu et réputé comme quelqu’un d’assez cultivé. Et il ne doutait pas que peu de gens l’imaginait en train de regarder un film, en famille ou non d’ailleurs. Le cliché habituel du noble en fait, même si sa famille ne l’était plus vraiment.
Il se tut pendant le reste du chemin, se contentant, comme elle sans aucun doute, de regarder les dessins avec une attention toute particulière. Beaucoup d’historiens tueraient sûrement pour observer ce couloir décoré de fresque quasi parfaite. De ce qu’il comprit, elle retraçait une partie de l’histoire templière, entrecoupée d’apparition de Saint ou de destin mythique. Il tâcha d’ignorer cette partie pour se concentrer sur le reste, voulant savoir s’il n’y avait rien de caché là-dedans. Mais de fait, rien de spécial. Il était d’ailleurs assez étonnant de voir que les fresques retraçaient la vérité dans son plus simple appareil, pas de mise en scène, pas de fausse justification. La mise à sac de Constantinople était décrite simplement, de même que les innombrables batailles en Terre Sainte. Les seuls extravagances venaient des apparitions divines, d’abord par les saints puis, au fur et à mesure qu’ils avançaient dans le caveau, une étrange lueur dorée.
C’est au moment où il se fit cette réflexion que la jeune femme s’arrêta pour se retourner vers lui, ils étaient arrivés à la fin de la fresque, et du chemin par la même occasion. Lee semblait croire que cela se poursuivait, d’une manière ou d’une autre, et il ne pouvait que la rejoindre sur ce point, les Templiers n’aurait pas fait tant d’efforts simplement pour dissimuler des fresques, il devait y avoir autre chose. Doucement, le jeune homme vint aux côtés de l’américaine pour observer la dernière partie de cet immense tableau. Comme elle avant lui, il observa les alentours, mais ne vit rien qui puisse servir à dissimuler quelque chose.
- S’il y a un mécanisme, c’est sûrement dans cette fresque qu’il est dissimulé.
Avec toutes les précautions du monde, il tendit la main pour effleurer la pierre, comme par peur de l’effriter d’avantage. Il parcourut tout le tableau.
- Pas de bois, c’est sans doute plus récent que le premier mécanisme, ils l’ont dissimulé dans la pierre.
Il était fort probable que la signification de cet étrange dessin permette de comprendre ce qu’il fallait faire pour continuer. Le jeune homme s’y attarda donc lentement, et plus particulièrement sur cette silhouette nimbée d’or qui ne lui rappelait rien. C’était très étrange, cette femme n’appartenait en rien à la mythologie chrétienne, c’était certain, elle n’avait pas l’auréole, ni rien qui puisse permettre de l’identifier clairement, comme si le simple fait qu’elle soit là suffisait à la reconnaître. Sans doute était-ce le cas pour ceux qui avaient peint cette image. Mais pour le français, elle n’était rien du tout. C’est en l’observant qu’il remarqua l’absence remarquable d’autre chose sur le tableau, mis à part celles qu’ils portaient sur leurs vêtements, et encore même elles semblaient plus fades, il n’y avait pas la moindre mention d’une croix. Pourtant récurrente à l’époque et dans les rites templiers.
- C’est très bizarre, vous ne trouvez pas. Cette femme n’appartient pas à la chrétienté, pourtant des templiers semblent en adoration devant elle …
Il continua à parler, réfléchissant tout haut.
- Quand ils ont été condamnés, c’était avant tout pour leur faire perdre de leur puissance, mais on sait qu’ils ont été accusés de se détourner de l’église. De pratiquer des rituels sataniques, des actes homosexuels, l’église les as accusés de tout et n’importe quoi … Mais peut-être qu’ils se sont servis de faits réels. Peut-être que les templiers s’étaient vraiment détournés de l’Eglise…
Il tendit de nouveau la main, effleurant la femme du tableau, elle ne se détachait pas particulièrement de la fresque, cela aurait sans doute été trop évident. Trois silhouettes attirèrent son attention, en dessous, elles se détachaient de la foule des templiers mais restait en adoration. Quoique … l’une d’elle fût plus froide, les bras croisés, elle semblait observer en silence. Celle du milieu avait les bras levés et avait l’air de crier, Constantin reconnut son visage, assez célèbre et souvent représenté.
- Le dirigeant des templiers à leur toute fin. Il a été brûlé sur le bûcher … Les deux autres sont ses plus fidèles lieutenant … ils n’ont jamais été retrouvés, avec un certain nombre de templiers à l’époque.
Les deux autres silhouettes se détachaient justement un peu du reste de la fresque. En les effleurant, il remarqua qu’on pouvait appuyer dessus. Le mécanisme, sans aucun doute. Dans un geste emplis de précaution, il enfonça les deux.
Les dalles se dérobèrent sous leurs pieds.
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| | | Lee Tarée de Chicago
Messages : 29 Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Lun 20 Fév - 21:09 | |
| L'américaine ne put retenir un sourire en entendant la justification de son compagnon de route. Un peu honteusement, elle dut reconnaître qu'elle n'avait jamais imaginé Constantin dans une situation ... normale. Pour son âge, s'entendait. Jouant à des jeux vidéos, taxant de l'argent à ses parents, lisant des BD, regardant un film avec sa famille ... remarque, il n'avait plus de famille.
Lee se mordit la lèvre inférieure. Evidemment, ça devait jouer aussi. Le français n'avait quasiment plus rien de normal pour son âge. Surdoué, en train de devenir richissime, seul, humanophobe, maniéré comme au siècle dernier, froid en toutes circonstances, orphelin ... la liste était longue. A côté de lui, Lee semblait sortie de Beverlly Hills 90210 Nouvelle Génération.
- Je ne vous en veux pas. Je reconnais que nous faisons beaucoup de mauvais films, mais il faut bien qu'il y aie quelqu'un pour en faire, des films. Les indiens ne sauveront pas la mise avec leurs horreurs de quatre heures.
Tiens, à propos d'indien ... elle reconnaissait cette calligraphie, en bande dans le bas de la fresque. Tandis que Constantin racontait la fin des templiers, Lee, tout en l'écoutant, suivait du regard les glyphes parfaitement conservés. Cela se lisait de droite à gauche ; la kharoshti. Cette écriture, inspirée de l'araméenne, avait disparu d'Inde au troisième siècle après J.C ... incroyable. L'excitation accéléra le rythme cardiaque de Lee. Cette fresque était un véritable ovni. Datant du Moyen-Âge, dessinée en France, elle reprenait pourtant le style de la Renaissance florentine en y mêlant des motifs de l'Inde antique, et ne faisait aucune référence à la religion chrétienne. L'ensemble avait l'air d'échapper à toute contrainte chronologique, comme si l'artiste ... ne connaissait pas le Temps. Peut-être se trouvaient-ils face à une véritable énigme historique ? Un problème à la hauteur de leurs Q.I ?
- Eh bien, c'est un long travail en perspective ! Je propose qu'on commence par rechercher sur cette oeuvre l'indice qui nous permettra de continuer ...
A peine eut-elle achevé sa phrase que le sol se déroba sous ses baskets.
Sol qui ne perdit pas de temps pour se refermer après leur brève chute. Ils étaient coincés. Lee ne tomba pas vraiment ; elle atterrit par réflexe sur ces pieds, mais ses mollets protestèrent sous le choc et elle se retrouva sur les genoux. Damned. Pour une fois, elle ne s'inquiéta même pas de savoir si son coéquipier allait bien. S'il avait eu mal, c'était bien fait pour lui.
- Bravo. Alors là, c'est du joli. Donc vous, vous préféréz nous mettre dans le pétrin sans préavis ? Normalement, c'est moi qui m'en charge.
Elle se releva, époussetant son pull blanc - déjà plus trop blanc, et réprima de justesse le réflexe de tendre la main à Constantin pour l'aider. Elle scruta le plafond humide sans grand enthousiasme, puis les murs ; aucune trace d'ouverture.
- Vous pouvez me dire à quoi ça nous avance d'être bloqués ici ? En plus, je suis prête à parier qu'il y a un piège. Si j'ai raison, vous serez entièrement responsable des conséquences ...
La jeune fille fut interrompue par quelque chose qu'elle n'avait pas - mais alors pas du tout - prévu : un coup de canne dans les côtes. Assez fort pour la faire partir sur le côté, par-dessus le marché. Il avait pété les plombs, le petit français ?
Sa protestation véhémente fut avortée par un évènement tout aussi notable : un piquet de fer tomba du plafond et s'abattit à l'endroit où elle se tenait deux secondes auparavant. Lee comprit aussitôt. Elle engueulerait Constantin plus tard, soit. Pour le moment, il s'agissait de rester entiers.
Elle jeta un regard bref au plafond ; une minuscule trappe avait laissé le passage au pic, qui avait frappé les dalles de marbre avec fracas. Le son s'était répercuté dans toute la pièce. Pièce très grande, au demeurant ... combien y en avait-il ? Repérer les trappes avant leur ouverture relevait de l'impossible, vue la semi-obscurité dans laquelle ils étaient plongés. Alors comment avait fait Constantin pour l'écarter à temps ?
Un bruit capta lors son attention. Un crissement, comme celui d'ongles sur un tableau noir. Mais bien sûr ! Le bruit ! La machinerie avait des siècles derrière elle, et ne devait donc pas être très bien huilée ...
- A votre droite ! s'écria-t-elle.
Et en effet, un deuxième piquet frôla le français. Parfait ! Elle avait compris le truc. A la bonne heure : une fraction de seconde plus tard, un déluge de fer s'abattit sur eux.
Ils ne dûrent leur salut qu'à une concentration maximum : repérer le crissement, sa provenance, puis calculer le déplacement à faire, en se débrouillant pour ne pas glisser sur le marbre ; recommencer, encore et encore. Parfois, deux trappes coulissaient en même temps, et l'un d'eux se trompait en allant droit sur le trait meurtrier ; alors l'autre, qui avait entendu du bon angle, intervenait pour lui intimer de faire marche arrière.
Ils passèrent ainsi ce qui parut une éternité, dansant gauchement avec le métal dans la salle de bal maudite. Le dallage avait déjà quasiment disparu sous une forêt rouillée ; mais il en tombait encore, sans cesse. Les oreilles de Lee commençaient à fatiguer à force d'être sollicitées. Pas de problème encore pour ses jambes, mais elle n'osait imaginer le cas de Constantin ...
Enfin, alors qu'un faux pas lui avait fait perdre l'équilibre, tout cessa soudain. N'y croyant qu'à moitié, la jeune surdouée tendit l'oreille ; il n'y avait effectivement plus un bruit. Elle sentit alors quelque chose sous sa paume, la releva : il y avait un minuscule bas-relief gravé sur le marbre, et elle venait d'appuyer dessus. Deux hommes sur le même cheval. Lee soupira.
- La prochaine fois, demandez-moi mon avis avant d'appuyer n'importe où. Je vous en serais extrêmement reconnaissante, Constantin. | |
| | | Constantin Ducomte
Messages : 18 Date d'inscription : 02/09/2010
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Dim 15 Avr - 20:54 | |
| Les constructions moyenne-âgeuse, même parmi les plus sophistiquées, n’étaient que très peu fournis en mécanisme de défense, préférant la bonne vieille méthode des gardes pour protéger leur secret. Aussi, le dernier né des Ducomte ne pouvait qu’être surpris par l’ingéniosité de ce piège, ou du moins sa mise en application qui avait l’air parfaitement bien huilé malgré les siècles durant laquelle la poussière s’était accumulée. La chute avait été rude, surtout pour quelqu’un qui marchait habituellement avec une canne, il était aussitôt tombé à genoux, tentant tant bien que mal de contrôler la douleur qui élançait maintenant sa jambe. La mâchoire crispée en se relevant, il ne fit même pas attention aux reproches que lui lançait sa compagne d’infortune. Grand bien lui en prit puisque cela lui permit d’entendre autre chose, de bien plus important. Un crissement long, gagnant en intensité ; un autre mécanisme. Le temps de comprendre ce que c’était et il avait déjà projeté sa canne droit dans les côtes de Lee, l’écartant ainsi du danger relativement grand représenté par un pic de fer surgissant du plafond.
C’était là un classique du piège, les piques. Mais avec le temps, ça avait tendance à rouiller, à perdre en vitesse et donc en efficacité. C’est ce qui permit aux deux adolescents de sortir vivants de l’endroit, après ce qui parut être des heures à l’esprit du jeune homme. A vrai dire, il était tombé à genoux sur les quelques dalles encore vide de ferrailles au moment où tout s’arrête, il avait l’impression que sa jambe était en feu. Il lui sembla que Lee lui parlait à nouveau, sans doute pour le réprimander une énième fois, mais il ne fit presque pas attention. Sa main plongea dans son costume, en sortant rapidement un tube de médicament qu’il ouvrit en un clin d’œil, avalant aussitôt une pilule, les yeux fermés. Il attendit encore quelques secondes avant de se redresser, la jambe encore tremblante.
- J’en prends note…
Il allait lui demander si elle voyait un moyen de sortir d’ici quand il vit qu’un passage s’était ouvert dans le mur à côté d’elle, là où elle avait appuyé sur le bas-relief. Sans un mot donc, il la rejoignit, zigzaguant entres les pics de fer enfoncés dans le dallage. Il s’arrêta devant, faisant un signe galant à la jeune femme.
- Je vous en prie, passez devant … Vous avez la lampe après tout.
Ils marchèrent pendant quelques temps, dans un couloir extrêmement sombre, par chance il n’y avait aucune intersection. Cela finit par déboucher sur une espace qui semblait immense, à en juger par l’écho produit par leurs pas. Lorsque la lampe éclaira un bas-relief finement sculpté mais semblant infiniment plus complexe que le précédent, le jeune homme intervient.
- On devrait essayer de voir où l’on est exactement, et étudier ceci avec attention.
Ils se rapprochèrent des murs, tentant de trouver quelque chose pour éclairer les lieux. Il y avait bien des torches mais le temps les avait rendues totalement inutilisable. Ce n’est que lorsque la canne de Constantin produisit un claquement sonore en percutant un meuble de bois perforé qu’ils trouvèrent leur bonheur. Des cierges, une quantité incroyable de cierges qui pouvaient être installés partout autour d’eux. A tâtons dans l’obscurité relative, il leur fallut près d’une demi-heure pour tapisser toute la salle mais bientôt s’offrait à eux un magnifique spectacle.
C’était une cathédrale, une véritable cathédrale souterraine. Sans aucune fenêtre pour éclairer les innombrables statues qui la décoraient. Elle était soutenue par d’immense colonne à style étonnamment hétéroclites. Le plafond n’était que peu visible, encore plongé dans l’obscurité mais Constantin aurait parié qu’il était lui aussi décoré, des supports à torches étaient suspendues à plusieurs mètres du sol, contre les murs ou les colonnes, sans doute pour l’éclairer lui aussi. C’était un lieu de culte incroyable, dissimulé au cœur de la forêt de Brocéliande, presque une insulte à la nature mythique de ce lieu païen.
Presque naturellement, sans même savoir pourquoi, ils s’étaient retrouvés en plein centre de l’édifice, fixant chaque point, chaque bas-relief, chaque sculpture avec précision. Ils auraient besoin de semaines entières pour analyser tout cela.
- Je crois que nous avons trouvé, Lee. Je suggère que nous cherchions une sortie plus aisée que le piège, afin de pouvoir retrouver rapidement l’endroit durant les jours à venir.
Il fixa son regard sur la lampe qui éclairait un bas-relief représentant une femme, celle qu’ils avaient vu sur celui précédent le piège.
- Je sens que nous avons beaucoup de choses à étudier.
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| | | Lee Tarée de Chicago
Messages : 29 Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Sam 21 Avr - 0:08 | |
| Lee n'écoutait que d'une oreille les paroles de son compagnon de route. Le nouveau décor dans lequel ils avaient plongé la fascinait au plus haut point. Elle n'avait encore jamais vu ce type de construction ; certes, des bâtiments troglodytes, elle en avait déjà vus. Mais celui-là était particulièrement spectaculaire, tant par son ancienneté que par son envergure, et l'ampleur des travaux qui l'avaient fait naître de la roche avait de quoi faire tourner la tête. Plus étonnante encore était la palette très étendue de styles et de courants. C'était le même principe que celui de la fresque précédente, à une échelle plus grande : tout était différent. Les supports à torches semblaient venir des quatre coins du monde connu à l'époque ; les extrémités des colonnes avaient été sculptées à la fois dans les inspirations gothique et bouddhiste ; même les dalles de pierre avaient l'air dépareillé, dans leur type et leur taille.
Autant ne pas parler des fresques.
C'était une mine d'or, tout cet épanchement d'évènements, de drames et de gloires, cette frise épique d'un ordre décimé. Là, des croisés partageaient fraternellement une longue table de banquer. Sur cet autre pan de mur, un partage de butin avait engendré un pugilat mortel, que seuls les sages aux cheveux déjà blanchis évitaient. Un peu plus loin, dans une cité mise à sac, un chevalier clément épargnait une veuve et son orphelin après avoir pourfendu leur père. Derrière ce confessionnal, une scène chaude et discrète dépeignait les adieux d'un guerrier à une femme en pleurs. L'ensemble ne semblait obéir à aucune règle conventionnel d'enjolivement. Pas d'euphémisme visuel : il y avait du sang, des mutilations atroces, des larmes, et les croisés étaient sans détours montrés en pécheurs ; mais la lumière effaçait tout en certains endroits. Et la lumière venait d'une femme. Toujours la même.
Ladite femme commençait à mettre l'américaine mal à l'aise.
Elle ne pensa pas à en dire quoi que ce fût à Constantin, par peur de paraître ridicule. Mais le regard de ce personnage ne lui plaisait pas du tout. Noir, emprunt d'une flamme entre la folie et la cruauté, fixe. Sans doute n'était-ce pas l'impression qu'avaient voulu donner les peintres, puisque cette personne était partout peinte en madonne lumineuse et protectrice ; mais Lee y voyait autre chose. Elle avait l'impression - passablement inquiétante - que cette bonne femme la suivait du regard. Et Lee détestait qu'on la reluque ouvertement, que ce fusse par un être de chair et d'os ou par une peinture. Les deux l'irriaient.
- Hm, vous avez raison. Il faut étudier cet endroit à fond, et peut-être serons-nous obligés de faire des aller-retours. Je propose que d'ores et déjà, nous nous mettions d'accord pour garder le secret de cette découverte. Du moins jusqu'à ce que nous en ayons percé tous les mystères. Je n'ai aucune envie de voir un troupeau d'archéologues frustrés venir camper dans ce lieu superbe.
Elle secoua la tête, comme pour reprendre contenance, et tourna ostensiblement le dos à une statue de l'étrange inconnue afin de fuir son oeil mauvais.
- Cela dit, je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre proposition quant à la suite des opérations. Pourquoi chercher la sortie avant même d'avoir fait le tour ? Je pense que nous devrions plutôt tenter de trouver comment poursuivre le parcours. Je suis persuadée que cette pièce n'est pas la dernière.
La jeune fille regarda aux alentours, la lampe toujours tendue au bout de son bras - ce dernier commençait à avoir quelques crampes, mais elle n'y prêta aucune attention. L'adrénaline d'une découverte aussi renversante étouffait toute sensation de douleur.
Une des statues représentait une scène pour le moins spéciale, et elle s'en approcha, intriguée. L'oeuvre était surélevée sur un épais socle de marbre, et avait elle-même une blancheur proche de la perfection, que des siècles de poussière n'avaient que peu entachée. Il s'agissait d'un petit groupe : deux chevaliers en armes étaient apparemment subjugués par le personnage qu'ils encadraient. Lee serra les dents. La femme, dans son habituelle robe de lumière, ses cheveux déployés, avait les mains tendues au-dessus d'une coupelle ciselée. Ses lèvres semblaient psalmodier des prières - ou des incantations ; elle avait la mine apaisée que pouvait apporter une profonde transe spirituelle. La curiosité de l'américaine fut piquée à vif. Que pouvait contenir le récipient ?
Elle approcha encore la lumière de la statue, et en levant la tête à s'en faire mal au cou, put lire quelques bribes de ... gnomique. On parlait d'un anneau.
Instinctivement, elle frotta son majeur contre son index, et sentit le métal se réchauffer tout doucement. La bague était toujours à son doigt. Elle l'avait presque oubliée avec toutes leurs péripéties ; mais voilà que le bijou mystique se rappelait à son esprit de la plus troublante des manières. Désormais, le lien était clairement avéré : il y avait du gnomique ici. Il y avait eu une présence féérique ici.
Mais la dernière réplique de Constantin la fit aussitôt tourner sa lumière dans une autre direction ; elle ne sut trop pourquoi. La femme et la coupelle disparurent de nouveau dans les ténèbres. Néanmoins maintenant, Lee avait une idée très précise de l'objet qui aurait dû se trouver dans le réceptacle. Objet que tout d'un coup, elle se réjouissait de porter sur elle. C'était ... rassurant. Là encore, elle ne comprit pas trop cette sensation qui commençait à germer au fond d'elle. Mais comme la sensation était assez agréable, elle le passa sous silence. Ca devait être la magie de l'endroit. L'émerveillement devant un tel génie architectural, le bouillonnement de son cerveau qui avait enfin trouvé une énigme à sa hauteur. Tout cela l'échauffait.
- Vous avez raison. Il y a des belles choses, ici ... de grandes choses. | |
| | | Constantin Ducomte
Messages : 18 Date d'inscription : 02/09/2010
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Jeu 10 Mai - 19:49 | |
| Constantin se permit un léger sourire en entendant la remarque de Lee sur les archéologues. D’un certain point de vue, elle n’avait pas tort, leur présence les gênerait, d’autant qu’ils n’arriveraient jamais à faire les connexions que les jeunes gens faisaient. Ce n’était pas là une question de fierté, juste que le français, et l’américaine à son tour, avaient en leur possession des informations qu’ils ne pouvaient pas divulguer, sous aucun prétexte. Donc une équipe, aussi compétente soit-elle ne ferait que les ralentir et les obliger à s’expliquer sur certain point de leur théorie. Assurément pas une bonne idée.
- Je suis d’accord, mais nous finirons bien par leur révéler, je ne veux pas vous rabaisser mais ils sauront sans doute mieux que nous analyser cet endroit. Mais cela, bien après que nous en tirions ce que nous voulons.
Le Français se voulait pragmatique ; ils n’étaient sans aucun doute pas les plus à même d’étudier un pareil endroit et encore moins ceux qui pourraient le mieux porter son existence au grand public. Il laisserait donc ça au professionnel, une fois qu’ils auraient découvert tout ce qu’il leur fallait. L’Histoire se devait d’être connu de tous et il avait l’intime conviction que cet endroit permettrait peut-être de comprendre un peu mieux les anciens templiers. On ne pouvait décemment pas laisser passer cela par égoïsme.
Son regard aiguisé passa de nouveau sur les nombreuses fresques. Très crues pour la plupart, ce qui était extrêmement rares ; cela laissait à penser que l’artiste n’avait rien voulu cacher cette fois-ci, même pas le plus horrible. Le sang y était fréquent. Constantin aurait parié qu’à l’époque où cela avait été gravé, l’endroit rayonnait de rouge. Et de blanc. Cette femme respirait le blanc, elle devait en illuminer les lieux. Il ne savait pas qui c’était mais elle était partout, présente au moins deux ou trois fois par pan de mur, tantôt guide, tantôt purificatrice. Aucun doute, son importance était capitale. Pourquoi ? Aucune idée mais ça ne tarderait pas à venir. D’aucun pensait que les Templiers avaient finis par tourner le dos à l’église parce qu’ils avaient trouvés une autre idole à adorer au cours de leur voyage. Certain archéologue penserait sans doute cela en voyant cette femme mais pas Constantin. Elle était trop humaine, même son aura ne parvenait pas à l’extraire du monde des vivants ; elle était ancré au sol, même si elle accomplissait des miracles. Ce n’était pas une nouvelle déesse, ni une représentation de la Vierge. C’était autre chose. Et il lui tardait de découvrir quoi.
Quand sa compagne d’exploration lui proposa de plonger un peu plus loin dans les entrailles de l’endroit, il dut réfléchir à la question. En temps normal, il n’aimait pas ce qui n’était pas méthodique au possible. Et il aurait préféré d’abord s’assurer de pouvoir sortir d’ici avant de s’avancer un peu plus. Néanmoins, avec leurs esprits aiguisés, il était fort peu probable qu’ils parviennent à se perdre alors c’était un risque à courir.
- Sans doute pas en effet. Avançons alors.
Il se dirigea dans une direction précise, commençant à comprendre l’endroit. Cela ressemblait à une Eglise, avec son immense allée centrale. Ils étaient arrivés d’un côté, par une petite porte, il ne leur restait donc que l’autre côté. L’autre bout de la croix. L’endroit était vraiment grand mais ils finirent par atteindre cet endroit qui aurait dû accueillir un autel mais il était étrangement vide, finissant en demi-cercle, sans issus. Là encore, Constantin ne s’en trouva pas dépourvu et il tourna son regard vers les branches de la croix, comme toute église, cet endroit était construit de manière à symboliser une immense croix, au moins à l’intérieur. Les branches n’étaient pas très longues et l’une d’elle s’achevait sur une cabane de bois, ressemblant beaucoup à un confessionnal classique. L’autre en revanche, possédait une porte que le temps, sans l’avoir détruite, avait entrouverte.
- Il semblerait qu’il n’y ait pas d’autre issue de toute façon.
Et il s’avança, laissant rapidement passer Lee devant lui quand cela devient trop sombre. Il avait emmené une réserve de cierge, au cas où, mais ne voulait pas les utiliser pour le moment. Rapidement, les couloirs redevinrent étroit, une configuration que Constantin connaissait déjà.
- On se croirait dans un Château fort … Ou dans un fort de Templier. Qu’est-ce que c’est cet endroit ? Un sanctuaire, une planque ? Ou les deux ?
Une chose était sûre : c’était bien plus complexe que ça n’en avait l’air. | |
| | | Lee Tarée de Chicago
Messages : 29 Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Re: Nous servons nos propres intérêts, mais nous les servons bien. Dim 2 Sep - 1:15 | |
| Lee avait de plus en plus de mal à se tenir droite. Elle s'était déjà pris deux poutres apparentes dans le front, et ne devait l'absence de traumatisme crânien qu'à la lenteur à laquelle elle s'obligeait. En vérité, elle ne pouvait décemment pas marcher à bons pas comme elle en avait l'habitude : d'abord à cause de la hauteur sous plafond poprement risible, ensuite parce qu'elle commençait à se dire que beaucoup de temps s'était écoulé sans qu'il ne leur arrive rien de mauvais. Pas de trappe s'ouvrant sous leurs pieds, pas de bloc de pierre leur tombant dessus, pas de chien Cerbère pour les déchiqueter, rien. Et Lee faisait partie de ce faible pourcentage de la population que des circonstances calmes énervent. Elle était d'un autre moule. La moitié des américains se trouvait en surpoids et préférait la télé à l'extérieur ; la jeune fille faisait partie de l'autre moitié. Aussi, ne rien entendre de suspect, ne rien sentir de suspect, cela la rendait folle. Quelque chose de terrible - ou une immense surprise, en tout cas quelque chose d'énorme - s'approchait. Et si rien ne se passait, elle en serait déçue. En fait, les notions d'énorme, de terrible et d'immense commençaient à tourner trop souvent dans son esprit. Elles martelaient leurs images exubérantes dans son cerveau ; des cités assiégées, des donjons aux murs épais pris par une armée étincelante, des étendards battant sur leurs supports d'or, des trônes dressés sur de précieux butins de pillages ... des Iliades entières se pressaient, opiniâtres, aux portes de son imagination agacée. Le pire, c'était que les scénarios, souvent sanglants, commençaient à bien lui plaire. Elle secoua la tête pour se recadrer vers leur but actuel : trouver la pièce suivante. Mais ça devait bien faire la cinquième fois qu'elle secouait la tête ; Constantin, marchant derrière elle, allait finir par se demander si une chauve-souris invisible n'avait pas élu domicile sur la chevelure de l'américaine. Chose qu'il risquait de remarquer également : la lumière de la lampe tremblotait un peu plus que de coutume. Les mains de Lee devenaient nerveuses, mais cela, elle ne le remarquait pas encore. - La pièce que nous venons de quitter devait être la chapelle. La construction dans son ensemble ne doit pas être un lieu de culte. Ca a l'air d'englober beaucoup plus de fonctions. D'ailleurs ... Elle s'arrêta, sembla lutter contre quelque chose encastré entre les briques humides, et en tira bientôt un antique fragment de lance. La rouille en avait quasiment désintégré la pointe. La jeune fille jeta sa trouvaille au français. - Gardez-la comme souvenir. Si nous retrouvons la sortie. Lee se fendit d'un rire, dont elle ne saisit pas l'aspect mauvais. C'était étrange, une telle ignorance de ses propres paroles ; surtout pour l'américaine, qui était tout de même connue comme sachant manier les mots et moduler leur ton. Elle semblait ne plus s'en soucier. Le "Gardez-le" avait même sonné avec mépris. Elle n'avait pas pu s'en empêcher ... Constantin lui paraissait si petit, maintenant qu'elle y pensait ... dans tous les sens du terme. Ils arrivèrent devant une porte minuscule, à la serrure trop abîmée pour encore fermer quoi que ce soit. Les gonds eux-mêmes ne faisaient qu'acte de présence. Mais le coeur de l'adolescente, une fois de plus sans qu'elle s'y attendît, accéléra la cadence. C'était le bon chemin, elle le savait. Le chemin vers où ? Elle l'ignorait encore, mais ne voulait plus qu'en voir le bout. - Par ici, murmura-t-elle à peine, plus pour elle-même que pour son compagnon de route (elle avait quasiment oublié sa présence sur le coup). La bague étincela d'un reflet presque malsain, lorsque sa main poussa le battant branlant. | |
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